Le talisman Cathare
quelque objet diabolique qui lui donnera la victoire sur nous. »
Le gros homme, gêné, se balançait d’un pied sur l’autre.
« Eh bien, parlez ! Attendez-vous de prendre racine et qu’il vous pousse des fruits sur la tête ?
— Nous avons capturé, il y a peu, un vieux serviteur du château de Castelnaud. Il refusait de parler mais nous avons su être… persuasifs. Et il n’a été que trop heureux d’accepter de sauver sa vie contre une réconciliation avec la très sainte Église. Il est mort peu après, d’ailleurs, de ses blessures. Que Notre-Seigneur…
— Paix à son âme, le coupa Montfort.
Attablé devant l’abbé, il déchiquetait un poulet à belles dents, sans songer un instant à inviter son visiteur.
« Selon notre défunt informateur, le maître de Castelnaud porte en permanence autour du cou une boîte en argent recouverte… Ah, j’ose à peine prononcer ces mots ! Il se signa avec ostentation. – recouverte d’inscriptions que l’on dit judaïques. Il a signé un pacte avec le diable. Castelnaud est devenu la synagogue de Satan. »
Montfort se signa rapidement, comme pour se débarrasser d’une obligation, puis retourna à son repas.
« Je crois peu à l’efficacité du diable, face à la sainte Église.
— Le vieux serviteur avait connu Bernard de Cazenac en son jeune âge, et il s’est laissé aller à des confidences. Ce talisman protégerait la religion cathare… Il contient une formule magique qui pourrait les sauver, s’ils se trouvaient acculés à la défaite.
— Il aurait dû s’en servir plus tôt, grommela le nouveau comte de Toulouse. Vous croyez à ces sornettes, l’abbé ?
— Il suffit que le peuple y croie ! »
1 Noble occitan dépossédé de ses biens pour fait d’hérésie.
12
« Votre ennemi vous attend à Castelnaud ? Vous plairait-il auparavant, sire de Montfort, de détruire Montfort ? Vous pourriez y trouver récolte à votre goût. »
À cette étonnante proposition de Jehan de Turenne, Simon avait répondu par un éclat de rire tonitruant.
« Me prenez-vous pour un de vos troubadours occitans qui rimaillent avec leur patronyme ? Mais il m’agréerait assez, en effet, d’assiéger mon propre nom et de le libérer des putois qui le souillent, même si cette homonymie tient du hasard et non du sang. »
Il avait suivi le conseil de son allié de circonstance et la grande armée avait remonté la Dordogne sur une demi-lieue, à bord de barques et de gabarres réquisitionnées. Le siège du château de Montfort ne fut qu’une formalité. Bâtie en surplomb sur la rivière, où elle faisait office de poste de péage, la forteresse était en fait mal protégée du côté du village. La piétaille et les valets d’armes du chefcroisé eurent tôt fait de franchir les murailles et d’enfoncer les portes, d’autant plus facilement qu’aucun soldat ne défendait la place. Seuls quelques civils effrayés peuplaient les vastes salles de cette maison plus apte à abriter les sonorités du luth que les coups d’épée, et dont les jardins avaient enchanté les beaux jours d’Alix de Turenne. Un individu mieux habillé que les autres fut amené devant Simon de Montfort.
« Qui es-tu, maudit cathare ? hurla celui-ci de sa voix d’ogre, la barbe en bataille, furieux de n’avoir pas capturé le châtelain.
— Je suis Guilhem, le troubadour, et je suis bon catholique, messire comte, comme tous les gens d’ici, répondit le jeune homme en tremblant comme une feuille.
— Un troubadour ! Un de ces jongleurs truffés de foutreries, que gavent des mécènes ! – Le mépris tombait de sa bouche. – Tu ne vaux même pas le poids de bois pour te brûler. Où est ton maître ?
— Je ne sais pas, messire, répondit Guilhem qui pouvait à peine parler. Avec les siens, je suppose, dans sa forteresse de Castelnaud.
— Pourquoi ce damné Turenne m’a-t-il envoyé conquérir cette coquille vide, me faisant perdre un temps précieux ? Je devrais l’étrangler ! »
Des cris s’élevèrent au-dehors, dans les jardins. Les soudards s’y donnaient à coeur joie, ravageant fleurs et arbustes. Mais une jeune fille s’était précipitée sur eux, tentant de les en empêcher, et ils la malmenaient rudement.
« Qui es-tu, toi ? » aboya Montfort.
La demoiselle, âgée d’une douzaine d’années, blonde, et parlant bien, n’avait rien d’une paysanne, malgré le rude habit qui la vêtait.
« Je suis Blanche de
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