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Le talisman Cathare

Le talisman Cathare

Titel: Le talisman Cathare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Luc Aubarbier
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les blessés à coups de faux, de pieux, de pierres et de bâtons, et dépouillaient les morts. Bernard lui-même fracassa le crâne du prêtre qui, réfugié contre un rocher, implorait sa pitié. Simple soldat autant que baron de haut vol, tous furent passés par les armes. Tant de braves furent laissés gisant, tant d’armes abandonnées, que la race des hommes en restera meurtrie jusqu’à la fin des temps. Quand le dernier croisé fut abattu et qu’on cessa d’entendre les râles des mourants, le seigneur de Castelnaud s’écria : « J’ordonne qu’on laisse les corps en place, sans sépulture, en proie aux bêtes fauves, aux rapaces des airs et aux voraces des champs. Qu’ils restent ainsi exposés, en mémoire de ma fille. Je lui offre ce gigantesque holocauste. Je jure de ne cesser le combat que le jour où elle sera vengée. Je te maudis, Montfort, toi et tous les tiens. »

    Quand il apprit l’embuscade et le massacre, Simon de Montfort poussa un rugissement de lion humilié. Il cria, tempêta, menaça, fit armer ses soldats à la hâte, au risque de les précipiter vers un nouveau piège, et leur fit crever leurs chevaux. En vain ! Il ne parvint sur les lieux du drame qu’après plusieurs jours. La nuit tombante dissimulait les cadavres ; l’odeur, lourde, pénétrante, était insoutenable.
    « Messire comte, regardez ! Ils sont encore là. »
    Des flammes bleues, étranges, inquiétantes, couraient de corps en corps, comme un cortège funèbre qui aurait conduit à leur dernière demeure les soldats sacrifiés, morts sans sépulture. Le pré semblait n’être qu’un seul et même être dont la carcasse grouillait de vers lumineux. Les flammes se déplaçaient avec lenteur, créant l’impression de mouvements parmi les cadavres, comme si des survivants à bout de forces tentaient en vain de s’extirper de ce grand tas de morts. Aucun soldat n’eut le courage de se précipiter vers le champ désastreux.
    « Ce sont des fantômes, les âmes perdues de nos soldats morts sans confession ni tombeaux consacrés !
    — De simples feux follets, grommela Montfort.
    — Non, c’est un miracle, un signe du ciel, murmura l’abbé de Sarlat. Cette colonne de feu, comme celle qui guida Moïse vers la Terre promise, va nous conduire à la victoire. Jésus, roi du ciel, est avec nous. S’ils connaissaient la fin du livre qui s’écrit, le rire des hérétiques se transformerait en sanglots dans leur gorge. »
    Dressé sur son cheval noir, invisible dans la nuit, Bernard de Cazenac mesurait, avec un mélange de haine et de satisfaction, le désespoir des croisés qui se rongeaient les poings.
    « Ma Blanche, ma fleur, tu reviendras chaque année, huit cents ans s’il le faut, hanter les Français jusqu’à ce que notre laurier reverdisse et que la fleur de ta jeunesse s’épanouisse. »

    Les croisés s’étaient retirés après avoir enfoui les corps putréfiés dans une fosse commune bénie à la hâte. Le sol boueux, l’herbe tachée de sang absorbèrent les cadavres. Les claquements des sabots s’éloignaient. Montfort, faisant tourner son cheval, ne pouvait quitter les lieux du massacre. La flamme de la folie brûlait dans ses yeux ; il ne pouvait abandonner sans revanche le territoire de sa défaite. Il poursuivit ainsi son étrange ballet, puis immobilisa sa monture, humant l’air autour de lui comme un chien en éveil. Il tentait vainement de percer l’obscurité du regard.
    « Montfort, seul ! C’est le diable qui me l’envoie murmura Bernard. Blanche, tu vas être vengée. »
    Il serra machinalement dans sa main le talisman qu’il avait glissé sous son pourpoint, puis il évalua la distance qui le séparait du chef des croisés, dégaina sa grande épée et lança au galop son cheval ténébreux. Montfort le devina, plus qu’il ne le vit surgir du bosquet, défourailla à son tour et chargea, la lame au poing. Le premier choc fut terrible et les deux montures boulèrent les pattes en l’air. Jetés à terre, les adversaires se ruèrent l’un vers l’autre.
    Ils se battaient. Oublieux des règles du combat, ils frappaient de leurs épées comme des paysans avec leurs haches ou des manants jouant du bâton, éprouvant leurs forces, cherchant le coup fatal. On eût dit deux géants des légendes anciennes, noirs dans la noirceur de la nuit. Des rivets de cuirasse, des éclats de métal sautaient de part et d’autre et, la lame ébréchée, ils se retrouvèrent sans

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