Le talisman Cathare
sont devenus ses adeptes ?
— L’Église les a réprimés et repoussés jusqu’aux confins de l’Empire romain, mais il en subsiste plusieurs groupes épars en Terre sainte. Ils se nomment marcionites, messaliens ou pauliciens et adorent le Christ tout comme vous et moi.
— Mais vous, messire commandeur, moine et combattant au service du pape, pouvez-vous douter des dogmes de l’Église ? Ne croyez-vous pas en la double nature de Notre-Seigneur ?
— J’ai trop vu de guerres, trop de corps mutilés et en souffrance, j’ai donné et reçu trop de coups dans lachair, pour les diviniser. Seul l’esprit peut régner sur la matière pour créer l’homme. »
Bernard restait confondu par ces affirmations. L’hérésie existait donc au sein même de l’Église ! Les convictions du pape étaient donc contestées par ceux-là qui étaient le plus à même de les défendre. Il comprenait combien l’immersion du monde religieux dans l’univers politique ne pouvait être que perversion.
« C’est bien d’Orient que mon ancêtre Aldebert a ramené la religion des Bons Chrétiens, ajouta-t-il.
— Vous connaissez maintenant vos origines, messire de Cazenac : votre famille est née en esprit sous les murailles de Jérusalem. »
1 Personnage mythique du christianisme gnostique représentant le mauvais démiurge.
27
Le commandeur fit à son hôte les honneurs de la forteresse fondée, un siècle plus tôt, par les chevaliers de Penne.
« Ils ont été également d’irréductibles combattants cathares, nota Bernard. C’est ainsi dans tout le sud-ouest du royaume. Les deux religions cohabitaient dans les coeurs comme dans les villages.
— L’abbaye de Chancelade, en Périgord, où j’ai reçu l’habit ecclésiastique, a elle aussi contribué à la richesse de Vaour, une des plus puissantes commanderies du comté de Toulouse. »
Un vaste château, surmonté d’un haut donjon, veillait sur des granges bien garnies. La salle capitulaire, longue de vingt-cinq pieds, disait assez l’importance de la communauté où se mélangeaient clercs et laïcs. L’ensemble montrait à la fois un aspect militaire, religieux et champêtre. Ceux qui priaient, ceux qui combattaient et ceux qui travaillaient y vivaient en harmonie.Dans la cour, Bernard vit passer un troupeau de brebis que le berger menait paître. À sa tête, le bélier arborait fièrement un sautoir portant la croix pattée. Sous les couverts, les adeptes des francs métiers, maçons, charpentiers, ferronniers, tous hommes libres de travailler où bon leur semblait sur les propriétés du Temple, vaquaient à leurs occupations profanes.
On manda les deux hommes à la maladrerie ; Hugues de Vassal était au plus mal. Le médecin avait tenté d’arrêter l’hémorragie avec un emplâtre d’oeufs, d’étoupe, de sel fin et d’eau, mêlés de mystérieux onguents. Mais la blessure s’avérait trop profonde. « Je crains qu’il ne passe avant deux jours », indiqua le frère infirmier.
Le souffle court, le teint terreux, Hugues agrippa le bras de son ami ; sa voix rauque était altérée par la douleur.
« L’heure est venue de me présenter devant Notre-Seigneur. Mais je ne puis le faire dans cet état. Je dois recevoir l’aide d’un Parfait ; il doit m’administrer le consolament des mourants afin que je sois jugé selon mes mérites.
— Mais mon ami, vous êtes cathare revêtu et n’avez nul besoin d’une telle cérémonie. Vous êtes pur.
— On ne l’est jamais assez. J’ai trop vécu parmi les hommes, leur violence, leur bassesse. Je crains d’avoir été influencé. Mes pensées ont parfois été emplies de haine. Cours au village de Penne, chez le tisserand Pierre Lemoine. Tu y trouveras un homme, presque un ange. Il se nomme Bernard de Lamothe, le plus parfait d’entre nous. Ramène-le.
— Ici ! »
Le chevalier de Cazenac regarda Armand de Périgord. Pouvait-il souffrir qu’une cérémonie cathare se déroule dans sa commanderie, qui était un monastère catholique ? Le Parfait ne risquait-il pas d’être arrêté ? « Je connais Bernard de Lamothe, répondit simplement le templier. Je vais l’envoyer quérir. »
Lorsque Bernard de Lamothe pénétra dans la maladrerie, accompagné de son « socius », le blessé pouvait encore murmurer quelques mots.
« Promettez-vous de tenir votre coeur et vos biens selon la volonté de Dieu ?
— Je le promets. »
Sa voix était à peine audible.
« Nous
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