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Le talisman de la Villette

Le talisman de la Villette

Titel: Le talisman de la Villette Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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lui ai fait part de mon dessein, elle a accepté d’y participer. Je me suis assurée que les trois canailles logeaient toujours aux mêmes adresses, puis j’ai écrit à Gaétan : Je suis à Paris, si vous voulez éviter les ennuis exécutez mes directives à la lettre . J’ai signé Angélique.
    — Pourquoi Angélique ? Et quelles étaient vos directives ?
    — Il avait la manie d’attribuer des sobriquets de gâteries à ses victimes. Moi, c’était Angélique, les autres : Mirabelle, Chouquette, Clémentine, Cerise, Brugnon, Amandine, un vrai malade ! Loulou avait une silhouette identique à la mienne, seulement elle était blonde, et pour mener à bien mon plan il fallait qu’elle se substitue à moi. Elle s’est teint les cheveux. Nous avons convenu d’une date et d’un rendez-vous en un lieu excentré où Richard Gaétan devait se rendre. Il était indispensable de l’éloigner de chez lui afin que je puisse opérer tranquillement. Loulou interpréterait mon rôle, il n’y verrait que du feu. Tandis qu’elle l’attirait à la rotonde de la Villette, je me suis présentée à son domicile de la rue de Courcelles. J’ai renvoyé le valet de chambre sous un prétexte quelconque, j’ai actionné le mécanisme de son cabinet secret où il serrait sa précieuse collection de poupées et je m’en suis donné à cœur joie.
    — Vous avez tout saccagé ?
    — Oui. Ensuite, j’ai tracé un avertissement sur le mur, je voulais qu’il sache d’où venait le coup. Au cas où il porterait plainte, le prénom d’Angélique ne me compromettrait en aucune façon.
    — Que devait lui dire Loulou ?
    — Qu’elle allait révéler qu’il n’avait jamais dessiné les modèles de sa maison de couture, que les créations qui faisaient sa réputation ne lui appartenaient pas. Qu’il serait la risée du Tout-Paris. C’était un jeu, je n’avais nullement l’intention d’aller jusqu’à l’assassinat ! Je suis rentrée rue Albouy et j’ai vainement attendu le retour de Loulou. Le lendemain dans le journal, j’ai lu qu’on avait retrouvé une inconnue étranglée sur le terre-plein de la Villette. J’ai compris et je me suis affolée. Le salaud ! Je suppose que lorsqu’elle l’a traité d’imposteur il a paniqué et l’a tuée, persuadé que c’était moi.
    Elle se tamponna les paupières. Victor pesait le pour et le contre. Il voulait la croire, cependant il doutait, entraîné par ses préjugés à l’encontre des femmes qui affichent une attitude trop arrogante. Peut-être était-ce à son physique de brune lascive et à la condescence qu’elle affichait à son égard. Où donc était la clairvoyance qu’il se vantait d’avoir ? La modestie, voilà ce qu’il appréciait chez une femme.
    — Il y avait un second individu sur les lieux du crime, répliqua-t-il doucement, un boiteux, je le sais de source sûre.
    — Je ne le connais pas, je vous le jure. J’ai souffert, monsieur, et la souffrance peut parfois vous entraîner sur des chemins dangereux, vous devez me croire, je suis étrangère à ces meurtres, on aura eu vent de mes intentions et réalisé ce que pour rien au monde je n’aurais osé projeter.
    — Vous en avez sûrement parlé à quelqu’un.
    — Seule Loulou était au courant, elle est morte avant le baron de La Gournay et Richard Gaétan.
    — Alors comment expliquez-vous ces…
    — Mon cahier bleu, mon journal intime, plusieurs personnes ont pu en prendre connaissance à mon insu.
    — Qui ? Avez-vous une idée ?
    — En janvier, la goélette sur laquelle j’avais embarqué a fait naufrage. Un homme m’a réanimée. J’ai séjourné chez lui, j’en garde un souvenir flou. Il est possible qu’il ait lu mon cahier bleu. Les religieuses d’Urville auxquelles il m’a confiée ont refusé de me révéler son nom. Plus tard, je l’ai entrevu à l’ Hôtel de l’Arrivée . Il m’a affirmé qu’il était mon sauveur et je l’ai cru. Il était en piteux état, on l’avait assommé devant la porte de ma chambre. Il semblait vouloir me protéger, il m’a incitée à me cloîtrer rue Albouy. Le soir même, Richard Gaétan était assassiné.
    « Pourquoi un inconnu rencontré en des circonstances si romanesques se serait-il érigé en justicier ? pensa Victor. Coupable, criminelle ou hypocrite, cette beauté brune qui se livrait à lui avec tant de facilité ? »
    — Qui d’autre parmi votre entourage a pu avoir accès à votre journal

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