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Le talisman de la Villette

Le talisman de la Villette

Titel: Le talisman de la Villette Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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bouffants haussa les épaules, signifiant qu’il ne parlait pas français. Chapeau pointu baragouina :
    — J’ai entendou dire loui very good, but we… sont meillours !
    Il cligna de l’œil à l’intention de son partenaire et, sans préavis, lui sauta sur les épaules avant de bondir par-dessus la stalle dans l’arène où il se livra à une succession de galipettes qu’un singe n’eût point désavouées. Il fut rattrapé par son compère et ils accomplirent en duo un ballet de culbutes achevées en cascades d’une extrême virtuosité.
    — École du carpet… tapis, résuma Chapeau pointu, essoufflé. Le vrai acrobatism, this is !
    « Mon fils, ce que les gymnastes exécutent avec leur corps, vous le devez faire avec votre esprit, se rappela Joseph dans l’omnibus. Il avait fichtrement raison, Barbey d’Aurevilly, sauf que si j’utilisais mon porte-plume à réservoir aussi vite que ces deux-là cabriolent, tout ce que j’obtiendrais, ce serait des pâtés ! »
    Au 2, rue des Martyrs, un concierge revêche lui marmonna que lorsque M. Thomassin s’absentait, il réclamait généralement à son retour le cordon à des heures indues, ce qui n’avait rien de surprenant de la part d’un homme passant sa vie suspendu à une corde. Bref, M. Thomassin n’était pas là.
    Joseph s’était engagé à regagner la librairie dès qu’il aurait soi-disant évalué un lot de livres chez un bouquiniste. Déçu, il galopa vers un omnibus qui s’était arrêté pour céder la place à une voiture de déménagement appartenant à un certain Lambert.
     
    Additionner les fiacres aidait Corentin Jourdan à oublier le courant d’air glacial balayant les alentours de l’église Notre-Dame-de-Lorette. Une voiture jaune de l’Urbaine gouvernée par un cocher mastic chapeauté de blanc porta le nombre des véhicules comptabilisés à dix-neuf. Un laitier lancé à fond de train rue Saint-Lazare, hors jeu. Une guimbarde de la Compagnie des petites voitures avec son postillon vert coiffé de cuir bouilli noir, vingt. Quand donc ce ridicule pantin allait-il aborder l’immeuble prétentieux où il avait élu domicile ? Qu’annonçait l’affiche, déjà ?
    ABSALON LE ROI DES ACROBATES
    L’ACROBATE DES ROIS
    Minable !
    À la vue de l’omnibus Pigalle-Halle aux Vins qui ferraillait au pied de la rue des Martyrs, le cœur de Corentin se serra. Il avait assisté deux fois à la scène : un côtier 60 attela un renfort à l’équipage de deux percherons afin que la caisse bringuebalante parvînt à effectuer l’ascension de la butte Montmartre. Jamais il n’aurait imaginé le sort réservé aux chevaux parisiens. Décidément, la perversité des hommes ne comportait pas de limite, ils maltraitaient les bêtes en se prétendant leurs défenseurs. Ces côtiers, par exemple, soutenaient que le secours apporté par leur animal allégeait le travail des autres. En ce cas, pourquoi ne pas simplement interdire aux omnibus d’escalader des rues à pic ? Qu’ils marchent, ces voyageurs intrépides ! Il eut une pensée fugitive envers Flip, et la colère l’envahit. Même si le destin des animaux n’avait aucune corrélation avec la tâche qu’il s’était assignée, la rage qu’il provoquait en lui décuplait sa détermination. Il devait à tout prix réussir, pour l’amour de Flip, pour celui de Clélia, victime elle aussi de l’hypocrisie sociale, pour…
    Jaillie d’un coupé, une silhouette de dandy pimpant en jaquette et pantalon à carreaux stoppa le cours de ses idées. C’était lui, il le reconnaissait à sa fine moustache et à sa barbiche. Il était escorté d’un domestique encombré de bagages. Ils touchèrent au porche du numéro 2.
    Corentin Jourdan se contraignit à la patience. Se précipiter provoquerait la panique de l’histrion. Mieux valait le laisser prendre ses aises, puis s’introduire par l’entrée de service et mener à bien ce qu’il avait prévu de réaliser.
    En attendant, compter, non plus les sapins, mais les pieds des quidams, histoire de changer. Deux bottines gris souris à bout carré. Deux chaussures vernies, cela faisait quatre. Deux autres bottines maculées de gadoue, six. Deux godillots fendillés, huit. Deux légers escarpins protégeant mal du froid. Deux lourdes bottes de postillon…
     
    Absalon Thomassin chaussa avec délices ses pantoufles molletonnées après avoir soigneusement posé son huit-reflets sur une table de nuit. Malgré la sourde

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