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Le talisman de la Villette

Le talisman de la Villette

Titel: Le talisman de la Villette Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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inquiétude qui lui rongeait le cœur depuis qu’il avait appris grâce aux journaux l’assassinat d’Edmond de La Gournay et de Richard Gaétan, il éprouvait un vif soulagement à déambuler dans son quatre-pièces. Là étaient l’ordre et la sécurité qui lui avaient tant manqué pendant son long séjour à Chantilly où, dans la demeure familiale imprégnée de souvenirs rancis, il avait peaufiné un numéro compliqué.
    Il ferma les yeux, déroulant en lui l’enchaînement de figures périlleuses qu’il était arrivé à roder à la seconde près. Il lui vaudrait un triomphe au cirque d’Hiver où, à la suite des répétitions qui commenceraient le lendemain matin, il serait la vedette de la saison prochaine.
    Son majordome déplia sa robe de chambre préférée et l’avertit qu’il allait au ravitaillement.
    De nouveau préoccupé, Absalon Thomassin arpenta le large salon envahi de tapis et de meubles orientaux, caressant au passage un narguilé décoratif. La presse avait évoqué un message tracé dans le cabinet aux poupées de Gaétan, et signé Angélique. C’était à en perdre la raison. Mais, somme toute, il n’y avait là aucun motif de s’affoler. Vengeance de femme, peut-être, quoi d’étonnant lorsqu’on résumait les penchants érotiques de Richard ? De plus, rien n’indiquait que le meurtre de La Gournay ne fût pas l’œuvre gratuite d’un mauvais plaisant. Simple coïncidence que ces deux décès simultanés, et non complot. Ce qui signifiait qu’Absalon était en dehors de cette sale affaire, et que, cadeau du ciel, il devenait l’unique administrateur de la Licorne noire. Il lui faudrait rencontrer Clotilde, à qui il avait transmis ses condoléances, et s’informer des circonstances de la mort de son mari. Les quotidiens n’avaient à ce jour jamais mentionné que sa collection de licornes eût subi des dégradations. Si la mémoire d’Absalon était exacte, la pièce abritait en outre des manuscrits et des ouvrages anciens fort rares que cette malheureuse Clotilde, qui s’en désintéressait, consentirait sans doute à lui céder pour une bouchée de pain. Elle se déchargerait également sur lui de la société ésotérique, et cesserait probablement de résister à ses avances à présent que ses maigres appas n’étaient plus la propriété d’Edmond. L’épouser ? Ce n’était pas exclu, il était assez fortuné pour éponger les créances du défunt et même racheter son titre. Le baron Absalon de Thomassin, cela sonnait joliment.
    Il alla chercher dans une serviette les croquis brossés au cours de son exil à Chantilly. Il y en avait trois dont il était particulièrement satisfait : le costume orné de strass qu’il arborerait lors de son saut de l’ange, une étude de déguisement pseudo caucasien vermillon et argent affecté aux écuyers d’un futur spectacle équestre, une robe de dresseuse de serpents hindoue en soie enjolivée de broderies qu’il proposerait à Nala Damajanti, actuellement aux Folies-Bergère. Ils agrémenteraient l’ensemble de ses dessins conservés à l’intérieur d’un débarras reconverti en cabinet de travail.
    Un bruit attira son attention.
    — Léopold ? Est-ce vous ? demanda-t-il.
    Il n’y eut d’autre réponse que la rumeur de la cité. Troublé, Absalon parcourut le long couloir au bout duquel, à côté de la porte des domestiques, se trouvait son bureau.
    Il entra et réprima un cri. Une pluie écarlate s’était abattue sur les cartons où il rangeait ses esquisses, sur les maquettes épinglées aux murs, les deux mannequins drapés de tuniques chatoyantes, les calepins et les cahiers emplis d’aquarelles à partir desquelles il élaborerait tout un peuple de jongleurs, de clowns et de cavaliers rutilants.
    Il effleura de l’index le dos d’une reliure et flaira son doigt, écœuré. Du sang. Il traversa la pièce et, ouvrant la croisée, se pencha. Un homme émergea de l’escalier de service puis s’enfuit vers le porche en boitant. Il faillit hurler « Arrêtez-le ! » mais se retint : trop tard. Il fit volte-face. C’est alors qu’il aperçut les lignes rédigées à la peinture blanche sur le trumeau bleu foncé de la cheminée :
    TU AS LAISSÉ MOURIR LA GRAINE
    PRÉPARE-TOI À ESSUYER UN GRAIN
    LOUISE
    — De quelle graine est-il question ? Louise ? Qui est Louise ? balbutia-t-il d’une voix altérée.
    Il avait eu des maîtresses, comme tout un chacun. Des prénoms

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