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Le talisman de la Villette

Le talisman de la Villette

Titel: Le talisman de la Villette Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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avait eu le temps de s’habiller et de dresser le couvert. Elle l’embrassa longuement avant de lui avouer qu’elle s’était mal conduite envers Mimi.
    — La pauvre, ces chocolats ont dû la ruiner. Tes beaux yeux l’ont tourneboulée.
    — Ma parole, tu es jalouse ! Pour une fois, ce n’est pas moi qu’on accusera de ce défaut.
    — On t’accusera de bien pire. Ne cesseras-tu donc jamais de me servir des boniments ? Tu es un menteur !
    — Nous ne sommes pas mariés depuis assez longtemps pour que tu m’infliges une scène, ma chérie.
    — C’est ça, dérobe-toi, comme d’habitude. Toi, au moins, tu n’as pas de mâle qui te traite comme un meuble ! clama-t-elle à Kochka qui avait entrepris de transbahuter sa portée de l’armoire de Victor au cabinet de toilette.
    « Oh non, pas là, on va leur marcher dessus ! Victor l’enlaça et l’interrogea tout bas :
    — Qui allons-nous gratifier de ces trois adorables boules poilues ?
    — L’inspecteur Lecacheur en mériterait une…
    — Je ne suis pas vraiment convaincu.
    — Raoul Pérot ?
    — Nous avons une chance de le circonvenir, il a déjà une tortue… Qui d’autre ?
    — Il n’y a que l’embarras du choix : André Bognol, Mireille Lestocart – elle nous doit bien ça – Mme Ballu, Euphrosine, la patronne du Temps perdu …
    — Tant de gens convoitent nos chatons ? Inouï. En tout cas, j’espère que cela ne se reproduira plus.
    — À quoi fais-tu allusion ?
    — À cet arrivage massif de greffiers chez nous.
    — Quelle solution adopter ? marmotta Tasha en se rongeant l’ongle du pouce. Pauvre Kochka, sans doute la boucler pendant ses périodes chaudes.
    — Comment saurons-nous que le moment est venu ?
    — Ce n’est pas tout à fait la même chose chez les humains et les félins, mais je vais essayer de te montrer à quoi cela ressemble, répondit Tasha.

 
ÉPILOGUE
     
     
    Déboulant de la chatière, Gilliatt huma longuement l’air aigrelet. Si la promesse du printemps était bridée par les giboulées, certains signes discrets annonçaient son arrivée. Une fleur de pissenlit éclose au coin d’un mur. Le bourdonnement d’un insecte. Le velouté des mousses reverdies sur l’épais toit de chaume où le chat traça le sentier habituel qui le menait au faîte. Là-bas, dans l’enclos où s’entassaient les petits pommiers tors, de minuscules bourgeons ourlaient les branches déjà riches de sève. Et surtout l’homme, enfin revenu, ne cessait de s’agiter.
    Corentin Jourdan avait tant d’ouvrage ! Tailler la vigne et le lierre accrochés à la façade, renouveler le fumier que grattaient les volailles enchantées de se dandiner dans la buée tiède et fétide. Nettoyer de fond en comble l’écurie de Flip. Il serait urgent de recrépir à l’intérieur de la maison les cloisons dont la chaux effritée révélait le lattis de bois et la terre jaune. S’absorber dans le travail lui évitait de ruminer ce qu’il avait vécu à Paris. Mais parfois les souvenirs s’imposaient à lui et le brûlaient cruellement.
    Quand il était parvenu à se traîner hors de la grotte où son adversaire l’avait roué de coups, il s’était effondré derrière un rocher et avait perdu connaissance. Des exclamations l’avaient tiré de sa torpeur et, frissonnant, il avait distingué une nourrice et deux enfants terrorisés. Non sans mal il s’était mis debout, claquant contre sa cuisse sa casquette poussiéreuse. Il avait porté une main à son visage et senti les éraflures, il avait dû saigner, il l’avait lu dans les yeux de la femme et des gosses.
    — Ce n’est rien, un malaise, avait-il grommelé.
    Il était retourné vers la grotte où il n’y avait plus personne et, s’agenouillant près du ruisseau, y avait trempé son mouchoir afin de s’essuyer le front et les joues.
    Il devait fuir, sans même aller chercher ses affaires, courir à la gare, monter dans le premier train en partance pour Cherbourg, de peur que la police ne l’inculpât de cette série de meurtres qu’il n’avait pu enrayer. Revoir sa sirène ? Exhiber sa figure tuméfiée, ses vêtements maculés, subir son indifférence ou ses sarcasmes, peut-être même ses soupçons ? C’était au-dessus de ses forces. Il l’extirperait de son âme comme il s’était délivré de Clélia – le jour seulement, et tant pis si ses nuits étaient désormais hantées par deux femmes aimées.
    Cinq jours plus tôt,

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