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Le talisman de la Villette

Le talisman de la Villette

Titel: Le talisman de la Villette Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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inhibitions, il lui avait inculqué le goût du mystère.
    — Vous qui êtes la science infuse, enchaîna Victor en retirant sa main, la licorne est-elle dotée d’une symbolique spécifique ?
    Aux prises avec le dernier contrevent, Joseph suspendit son élan. Kenji redressa la tête, l’ombre d’un sourire au coin de ses lèvres. Son regard passa du visage de Victor à celui de son gendre pour revenir à Victor.
    — Vous me flattez, dit-il, j’ai seulement ma petite idée. La licorne… La licorne… D’aucuns affirment que ce ne serait qu’un rhinocéros ou un narval sublimé. J’en ai vu… Voyons, il me semble que c’était dans une bible historiée… Ah oui ! Celle de Petrus Comestor 20 . Un livre très rare, une perle imprimée en 1499.
    — Et alors ?
    — Il la dénomme Unicorne. Elle est représentée entre Adam et Ève, sous l’arbre de la connaissance.
    C’est aussi le thème des tapisseries du musée de Cluny 21 .
    — C’est tout ?
    — Si mes souvenirs sont exacts, les alchimistes assimilent cet animal mythique au soufre et au mercure. Cela comble-t-il votre curiosité ? Sur ce, bonne nuit, j’ai innové une technique de combat avec un ami de retour du Japon, je suis éreinté.
    — Ce n’est plus de votre âge…
    — Vous plaisantez ! Je suis un vrai jeune homme, lança Kenji en bondissant vers l’escalier.
    Joseph attendait le départ de son beau-frère pour boucler. Lorsque Victor, poussant sa bicyclette, fut sur le point de sortir, il lui barra la route.
    — Patr… Monsieur Legris, j’ai surpris votre conversation. Il y a deux endroits à Paris où vous pourrez obtenir des informations détaillées : la Librairie du Merveilleux , tenue par Chamuel, rue de Trévise, et celle de l’Art indépendant , rue de la Chaussée-d’Antin.
    — Merci, Joseph, minute.
    Victor lui confia son engin, vida sur le comptoir le contenu de sa poche et consigna les adresses dans son carnet.
    — Pourquoi elle vous intéresse, cette bête à corne ?
    — Pour rien, un drôle de rêve… Bonsoir, Joseph, à demain.
    — Visez comme il se carapate ! S’il ne se casse pas la margoulette, il aura une veine de cocu. Il me cache quelque chose, ma main au feu, grogna Joseph attiré vers le comptoir.
    Près du téléphone, Victor avait oublié son porte-plume à réservoir et un papier plié en quatre.
    Intrigué, Joseph vit qu’il s’agissait d’une page de L’ Intransigean t.
    « Tiens, il lit ça maintenant ? Qu’est-ce que c’est ? » À la rubrique Faits divers se détachait un article cerclé de rouge.
    — Mince !
    « Ce matin, à l’aube, deux sergents de ville qui effectuaient leur tournée à la Villette ont découvert le corps sans vie d’une jeune femme d’environ vingt-cinq ans, élégamment vêtue et portant un loup noir. Elle gisait étranglée sur le terre-plein de la rotonde, non loin du canal. Son identité est inconnue. Interrogé par le commissaire au cours de l’après-midi, Alfred Gamache, le gardien de l’octroi, a déclaré n’avoir rien remarqué. Le corps a été transporté à la morgue. »
    En marge, on avait gribouillé des noms d’une écriture que Joseph attribua aussitôt à Victor :
    Maurice Laumier. Mireille Lestocart. Louise Fontane, sa cousine, cheveux blonds teints en noir. Alfred Gamache. Martin Lorson aux abattoirs ou fabrique de pianos Érard.
    « Chiche que ce Tartuffe a démarré une nouvelle enquête ! Ce coup-ci, il va collaborer avec bibi de gré ou de force, dès le début ! C’en est fini de prendre les trains en marche ! »
    Il repéra la date de parution du canard : samedi 10 février 1894. La piste était toute fraîche !
    Guilleret, il grimpa à l’étage et gagna la cuisine. Attablés face à face, Iris et Kenji grappillaient des pissenlits à la vinaigrette. Il embrassa chastement sa femme sur le front.
    — Tu devrais te coucher, ma doucette, je fais la vaisselle et je te rejoins.
    Quand ils furent seuls, Kenji et son gendre écartèrent la salade et firent un sort au blanc-manger négligé à midi.

 
     
     
CHAPITRE V
    Vendredi 16 février
     
     
     
    La bicyclette de Victor accosta la librairie alors que Joseph ouvrait boutique.
    — Vous êtes tombé du lit ? Inutile de vous précipiter, faut que je balaie et que je dépoussière. D’habitude, c’est maman qui s’y met, seulement elle se barricade rue Visconti depuis l’algarade d’hier. Elle a de la chance de pouvoir

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