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Le talisman de la Villette

Le talisman de la Villette

Titel: Le talisman de la Villette Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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considéra le bristol, puis le visiteur qui s’éloignait.
    — Monsieur, attendez ! Revenez !
    La cahute empestait le purin. Victor se fit violence pour ne pas plaquer son mouchoir sur son nez. Ils demeurèrent debout dans la demi-pénombre.
    — Gamache répond réellement de vous ?
    — Je vous l’ai dit, c’est un ami.
    — C’est quoi son prénom ?
    — Alfred.
    La réplique spontanée de Victor délivra Martin Lorson de sa suspicion. Il poussa un soupir et souffla :
    — Vous ne moucharderez pas aux flics ?
    — Je vous le promets.
    — Est-ce que par hasard vous auriez une cigarette ? – Bien sûr.
    — Je me damnerais pour quelques bouffées. La main tendue, Martin Lorson laissa son geste en suspens.
    — Excusez mes mauvaises manières, il y a près de quatre jours que je vis de rapines, j’ai plus un sou, j’ai perdu mon boulot. Vous permettez ?
    — Gardez le paquet.
    — Pardonnez mon indiscrétion, monsieur… Legris, j’aimerais savoir pourquoi vous vous préoccupez de ma sécurité.
    — Cela va peut-être vous étonner. Je ne me contente pas d’être libraire, j’écris des feuilletons et je m’intéresse aux affaires classées. J’ai été conduit à tester des méthodes d’investigations pour mon propre bénéfice. Je ne me fais jamais rémunérer, ça va de soi.
    — Je vous remercie du fond du cœur, dit Martin Lorson.
    — Et maintenant, puisque vous m’avez posé une colle, j’espère que vous ne vous formaliserez pas si je vous en pose une à mon tour.
    — Je vous écoute.
    — Qu’avez-vous vu exactement ?
    Martin Lorson alluma une deuxième cigarette.
    — Il faut que je me confie, parce que ça me pèse. Je vais vous déballer l’histoire telle que je m’en souviens. Ça ne signifie pas qu’elle se soit déroulée de cette façon, j’étais salement bu, il faisait nuit…
    Il décrivit la femme masquée qui jouait à la marelle sur le terre-plein de l’octroi, l’apparition du type au feutre mou, le meurtre, la fuite de l’assassin, son retour instantané, incompréhensible. Il bredouillait, avalait la moitié de ses mots. Pour finir, il fouilla son habit effrangé et exhiba une chaînette où pendait un médaillon d’argent représentant, gravée en relief, une licorne de profil liserée de noir, campée sur ses pattes antérieures.
    — J’ai cueilli cette saleté de bestiole à côté du corps. Débarrassez-m’en, ça me brûle la peau. C’est un talisman, il est nuisible, ajouta-t-il à voix basse.
    — Qu’est-ce qui vous fait dire ça ?
    — Depuis que je l’ai ramassé il me porte la poisse. Lentement, dissimulant la fièvre d’être le seul à détenir un indice matériel, Victor empocha le bijou.
    — Allez-vous vous installer ici ?
    — Pourquoi ? demanda Martin Lorson, de nouveau soupçonneux.
    — Je peux avoir besoin de vous joindre, cette enquête n’en est qu’à son début.
    — Je vous contacterai.
    — Je ne vous dérangerai qu’en cas d’absolue nécessité, insista Victor. Cela vous aiderait-il si…
    Il produisit une pièce de cinq francs. Martin Lorson hésita, s’en empara et, honteux, fit mine de la rendre.
    — Non, gardez-la.
    — Merci. Pourriture de vie, je n’ai pas toujours été comme ça, si vous saviez, monsieur…
    — Je le devine. Au revoir.
    — Les cumulards et l’infiltration des femmes, voilà la mort des ministères ! glapit Lorson alors que Victor s’éloignait.
    Il allait accéder à la sortie des abattoirs lorsqu’il se heurta à un attroupement. Il s’arrêta, incrédule. Ses yeux firent la navette d’un groupe d’hommes à un groupe de femmes en train de déguster, chacun leur tour, un bol empli d’un liquide rouge que leur tendait un boucher.
    Des gouttes de sueur perlèrent à son front. Il touchait le fond.
    — Faites la queue ! lui ordonna un gardien de la paix.
    Victor ébaucha un signe de dénégation. Il perdait le sens de la réalité. Il s’appuya aux grilles, ferma les yeux. Il avait entendu parler de cette pratique : ingérer du sang chaud et frais avait la réputation de guérir l’asthénie et la tuberculose.
    Tremblant, écœuré par l’odeur fade, il longea une usine frigorifique et se retrouva au bord du canal de l’ Ourcq. Un chien errant lui accorda un regard puis se remit à fourrager le contenu d’une poubelle. Il ne neigeait plus.
     
    Kenji n’avait rien laissé paraître de son irritation quand, pour la énième fois, son

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