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Le talisman de la Villette

Le talisman de la Villette

Titel: Le talisman de la Villette Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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Carmella se fondit dans la foule des badauds sur le boulevard du Temple. Un coassement alerta Joseph quant à l’état déplorable de sa digestion. Adoptant le mépris, il congédia ses personnages et se présenta, rue de Crussol, à la porte du directeur des Deux-Cirques. Un domestique à faciès d’Auguste, à qui il affirma être un journaliste, lui enjoignit de s’asseoir dans un petit salon. Il ne tarda guère à le mener jusqu’au cabinet de M. Franconi. Installé derrière une immense table couverte d’un tapis vert et dominée par un méli-mélo d’affiches jaunies ou criardes, celui-ci désigna un fauteuil d’acajou à l’importun puis, les mains croisées sous le menton, se composa une physionomie résignée à subir les questions les plus saugrenues. Aussi exprima-t-il un vif plaisir quand Joseph lui débita :
    — Je ne vais pas abuser de votre temps, monsieur. Tout ce que j’ambitionne, c’est une entrevue avec Absalon Thomassin.
    — Il doit rentrer aujourd’hui de province où il s’exerçait. Je l’attends demain matin ici même pour régler les ultimes détails du spectacle, il se produit l’après-midi. Le mieux serait que vous alliez à son domicile, 2, rue des Martyrs.
    Sans doute Victor Franconi se figurait-il que, lesté le cette nouvelle, son visiteur allait disparaître. Joseph demeura vissé à son siège, inconscient du désappointement suscité. C’est qu’il n’avait pas tous les jours un directeur de cirque à sa disposition, et il brûlait de lui arracher des secrets essentiels à sa création littéraire.
    — Les lecteurs du Passe-partout sont friands des dessous du monde artistique. Serait-ce inopportun de vous soutirer des tuyaux à propos du prochain numéro du Grand Absalon ? C’est un acrobate de génie qui a les faveurs de nos abonnés – surtout les femmes.
    — Un excellent acrobate, c’est vrai. Mais, au risque de décevoir ses adulatrices, je suis incapable de vous éclairer : il ne m’a toujours rien confié de ses projets ! Cet homme est capricieux – ne l’écrivez pas. Son contrat, par exemple : il stipulait que ses costumes seraient commandés par les soins de la direction. Eh bien, il a exigé qu’on modifie la clause, Monsieur se pique de jouer au tailleur ! Et, si doué soit-il, le public commence à se lasser de ses sauts périlleux. Il veut du neuf. Nos pauvres lions et nos chevaux l’ennuient. comment rivaliser avec les music-halls ? Tenez, lisez Le Mirliton  : l’Olympia annonce Beloni, Marietta et leurs perroquets acrobates, et le tireur caballero Garcia assisté de son chien Guillaume Tell !
    — Ce qu’il vous faudrait, ce serait une Annie Oakley ! Mais hélas elle a déjà été recrutée par Buffalo
    Elle se dépatouille tellement bien à la carabine que Sitting Bull en personne l’a baptisée « Watanya Cicilia », « Celle qui ne rate jamais » !
    — Bravo pour votre connaissance de la langue sioux, jeune homme, riposta le directeur, sarcastique. Je n’estime toutefois pas nécessaire dans l’immédiat de rouler notre édifice sur des rondins jusqu’au Mississippi, où l’on dit que le cirque flottant connaît un immense succès.
    — Dommage, répondit Joseph, très sérieux. Dites, pour mon reportage, est-ce que je pourrais jeter un œil sur les coulisses ?
    — Les deux, si vous le souhaitez ! s’exclama Victor Franconi, heureux de voir le terme de cet entretien.
    De l’administration à l’entrée des artistes, il n’y avait qu’une cour à traverser. Le directeur la franchit de concert avec Joseph qu’il mena au seuil du magasin des accessoires et planta là.
    Après avoir vadrouillé le long d’un sentier exigu bordé d’objets amoncelés, tandis qu’oscillaient au-dessus de lui des anneaux et des trapèzes, il dépassa des cages où somnolaient des fauves malodorants. Un tigre se déploya brutalement contre les barreaux de sa geôle et rugit. Joseph s’élança vers un couloir saturé d’enfants juchés sur de gros ballons et d’écuyères en maillot. Il atteignit la piste où des jongleurs chinois en casquette et vareuse fignolaient une pantomime. Dans une des stalles rouge et or, deux clowns anglais s’affrontaient aux dominos L’un d’eux portait un veston de palefrenier et des pantalons bouffants, l’autre un costume de soie pistache serré à la taille et un très petit chapeau pointu. Joseph s’approcha d’eux.
    — Connaissez-vous le Grand Absalon ?
    Pantalons

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