Le Temple Noir
Vous êtes naïf, si vous vous connectez sur son blog, il va vous repérer et vous ficher. Vous êtes prévenus.
Vlad Drac : tu serais pas un peu parano, Aleister ?
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Londres
De nos jours
Un véritable déluge s’était abattu sur la capitale anglaise, transformant les rues en ruisseaux et les artères en fleuves. Comme si le ciel avait accumulé des milliers de tonnes d’eau depuis des semaines et lâché les vannes d’un seul coup. Marcas et Jade avaient attendu deux bonnes heures avant de quitter le Laminoir, le temps que les nuages calment leur courroux. Elle avait conduit prudemment sur la chaussée glissante et mit deux fois plus de temps que nécessaire pour arriver à bon port et se garer, sur Carlino Street, à cinq minutes de Buckingham Palace. Marcas l’avait convaincue avec difficulté de l’attendre tranquillement dans un pub pendant son entretien avec Peter Standford. Une rencontre entre frères. Elle l’avait gratifié de tous les noms d’oiseaux, avant de céder et de le laisser partir à son rendez-vous.
Antoine longeait les hauts murs du palais et leva les yeux sur la colonne plantée au milieu du rond-point. Tout en haut, la statue hiératique de la reine Victoria surveillait le palais de Buckingham d’un œil sévère, comme pour indiquer à ses héritiers que c’était elle qui dirigeait encore les affaires du Royaume. En contrebas, la circulation s’écoulait avec lenteur, les conducteurs ne pouvaient s’empêcher de jeter un œil sur la façade du majestueux édifice pour voir si le drapeau de la reine Elizabeth était déployé, signe de sa présence. Antoine arriva sur l’esplanade centrale, au niveau des grilles, et passa devant les gardes de la reine en bonnet noir, immobiles comme des statues. De vieux souvenirs remontèrent à la surface : période ado de voyage linguistique avec arrêt obligatoire le dimanche matin pour la relève de la garde. Une image ressurgit, celle de leur accompagnatrice, une jeune Écossaise rousse, dotée d’une poitrine généreuse moulée dans un pull rouge et sur lequel il avait fantasmé pendant tout le séjour. Avec pour finir, une baffe magistrale reçue pendant une tentative avortée d’entente cordiale franco-anglaise, à Camden, sur fond sonore de Brian Ferry.
Marcas aperçut un homme qui sortait du palais pour se diriger vers l’une des grilles secondaires d’entrée, ses souvenirs d’ado acnéique s’évanouirent. Peter Standford portait un parapluie beige assorti à son Burberry’s et à ses gants en peau, d’un classicisme élégant presque désuet. La soixantaine largement dépassée, de taille moyenne, les yeux bleus cerclés de fines rides, la bouche pincée, le teint très pâle. N’eût été la fine cicatrice qui lui déformait la lèvre inférieure, il avait tout l’air d’un gentleman sans histoire. Il ressemblait à un croisement improbable de Jean d’Ormesson et de Sean Connery. L’homme devait encore avoir du succès avec les femmes, songea Marcas, un brin admiratif.
L’ami du frère obèse passa les grilles, arriva à son niveau et lui serra la main en le gratifiant du signe maçonnique traditionnel.
— Standford. Peter Standford. Enchanté, mon très cher frère.
— Antoine Marcas. Merci de m’accorder un peu de ton temps, lança le Français d’une voix aimable.
— C’est tout naturel. Une recommandation du directeur du Rucher vaut tous les sésames, même si tu ne fais pas partie de la maçonnerie régulière.
— Nul n’est parfait, ironisa Antoine.
Standford lui indiqua de l’index l’étendue verdoyante de l’autre côté du rond-point.
— Si nous allions faire une promenade du côté de Green Park ? Je suis désolé de ne pas te recevoir dans mon bureau de Buckingham mais la sécurité est très stricte, j’ai d’ailleurs moi-même rédigé le cahier des charges.
L’homme marchait d’un pas vif pour son âge. Antoine ne savait pas si c’était son allure naturelle ou s’il voulait lui montrer qu’il conservait une forme remarquable. Probablement les deux. L’ex du Yard traversa Constitution Hill, qui séparait le palais du parc, insouciant de la Ferrari rouge qui pila en klaxonnant rageusement. Sans daigner jeter un regard au conducteur, il lança à Marcas, sur un ton dédaigneux :
— Quand on roule dans ce genre de voiture, jouer du klaxon relève de la faute de goût. Encore un trader ou un footballeur de Chelsea…
— Et pourquoi pas un banquier ou un
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