Le Temple Noir
riche Saoudien ? demanda Antoine, curieux.
— Allons, un peu de jugeote. Un banquier n’achète pas de Ferrari, trop tape-à-l’œil. Quant au Saoudien, rouler sans chauffeur est un signe extérieur de pauvreté et, à ma connaissance, la firme italienne ne propose pas des modèles berline, ajouta-t-il en s’écartant devant deux femmes blondes en tailleur qui franchissaient la grille.
Il jeta un regard à la dérobée, puis pointa son parapluie vers la cime des arbres.
— Nous sommes dans le seul parc maçonnique de Londres. Il a la forme d’un triangle presque parfait. L’un de ses trois sommets n’est autre que le monument érigé à la gloire de notre frère Lord Wellington, qui a rogné les ailes de votre empereur Napoléon, à Waterloo. Et de l’autre côté, le plus à l’est, on peut admirer les statues de maçons de la famille royale, les ducs de Connaught et Sussex. Voilà un lieu idéal pour notre rencontre…
Marcas ne releva pas la pique de Standford et continua de le laisser parler.
— Nous sommes donc des cousins un peu éloignés. Au Yard, j’étais l’équivalent de sous-divisionnaire. Maintenant, je joue les conseillers pour la sécurité du palais. Un retraité comme moi présente beaucoup d’avantages, tant pour le réseau relationnel que pour l’expertise sur certains sujets délicats. J’ai tellement vu de choses dans ce palais qu’il y aurait de quoi faire la une du Guardian pendant une année. Heureusement que je suis une tombe. Que la parole circule 1 …
Ils avaient dépassé le tiers du parc quand Antoine eut fini de relater les événements de Paris et la récente tentative d’enlèvement. Peter Standford l’avait écouté sans rien dire puis il s’était assis, en compagnie d’Antoine, sur un banc, face à une fontaine de pierre.
— Je vais être franc. Si tu ne m’avais pas été chaudement recommandé par notre frère, je t’aurais proposé une petite balade à Maudsley.
— Maudsley, je ne vois pas…
— C’est la meilleure unité psychiatrique d’Angleterre.
— J’y penserai…
Standford raclait la terre molle avec le bout de son parapluie. Sa voix se fit plus traînante.
— Ainsi donc, l’ordre des Templiers a survécu à l’anéantissement et le trésor n’est pas une chimère. Mon Dieu, mes petites affaires à la cour royale paraissent bien désuètes. Je t’envie de l’avoir découvert, le rêve de tout maçon digne de ce nom. Comment se fait-il que notre ami commun n’ait pas jugé bon de me prévenir… J’aimerais beaucoup voir le trésor de mes yeux.
— Raison d’État, mais ça peut s’arranger avec lui, mentit Marcas.
Antoine le vit esquisser un mince sourire malicieux, comme s’il n’était pas dupe.
— Bien. Si j’en juge par ce que tu me dis, en plus du trésor, l’ordre aurait laissé un autre secret. Peux-tu me rappeler cette sentence énigmatique ?
— La vérité gît au fond du tombeau .
— Admirable, de quoi justifier une planche en loge. Le tombeau, n’est-il pas la représentation de la mort ? La mort comme destin commun à toute l’humanité, la mort avec laquelle aucun être humain ne peut tricher.
— C’est ce qu’a dû penser le père Roudil avant de trépasser, mais ses assassins n’ont pas déterré une allégorie.
Standford hocha la tête mais ne répondit pas. Il fixait la fontaine, perdu dans ses pensées. Marcas jeta un œil discret à sa montre, il imaginait Jade en train de ronger son frein dans un pub. Il reprit la parole :
— J’ai maintenant deux pistes. Ton aide me serait précieuse. Entrer à Freemasons’ Hall pour identifier mes agresseurs et obtenir le maximum d’informations sur Lord Fainsworth.
Le maçon anglais sortit une pipe de son imper et l’alluma à grandes bouffées. Une odeur de tabac caramélisé flotta autour de lui. Il se racla la voix.
— Rien que ça… La première demande me paraît raisonnable, je peux te faire recevoir par l’un des secrétaires permanents pour identifier ces hommes. Bien que cela me semble incroyable que des frères puissent se comporter comme des petites frappes. Concernant la seconde, je ne te cache pas mon hésitation. J’ai croisé Lord Fainsworth, c’est un homme très puissant, avec énormément de relations. En outre, il est très bien vu par les conseillers de la reine.
— Est-il maçon ?
Standford tira une nouvelle fois sur sa pipe.
— Oui, mais il n’est pas très assidu à sa loge depuis
Weitere Kostenlose Bücher