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Le Temple Noir

Le Temple Noir

Titel: Le Temple Noir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eric Giacometti
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le jour des morts, les portes du ciel s’entrouvrent et les âmes, qui n’ont point trouvé le repos, reviennent sur terre. C’est l’une d’elles qui est à l’œuvre.
     
    Bien des années s’étaient écoulées depuis cette aventure, mais le souvenir n’en avait jamais quitté l’esprit du Devin. Les treize nuits qui suivent le jour des morts. Il compta sur ses doigts. Neuf, dix, onze. Onze nuits avaient passé depuis la veille de la Toussaint.
    Il s’approcha du visage de Bina. Sa respiration était très faible. Il sortit un couteau et glissa la lame entre ses dents. Un léger râle s’échappa du corps.
    Le Devin sourit.
    Maïmonès allait bientôt parler.

    Palais du Légat
La chapelle
    Le corps du dominicain était posé sur les dalles juste sous le crucifix. Son visage, déjà émacié, avait pris une teinte bleuâtre qui faisait ressortir ses pommettes. Comme on n’avait pas réussi à lui fermer les yeux, on avait déposé une pièce à la place de chaque paupière. Les hommes de l’art qui avaient préparé son corps prétendaient que son regard vous fixait comme une malédiction. Dans tout le palais, la tension était à son comble. On craignait la réaction du Légat qui venait de s’enfermer avec le Grand Maître dans la chapelle. Un frère du Temple et un dominicain qui s’entre-tuent, un jour d’action de grâces… Le scandale était énorme. Les retombées imprévisibles. Dans les tavernes du quartier de l’Arbre sec, on répétait partout que, derrière cette tragédie, le Légat seul était visé. C’était une conspiration. La rumeur courait déjà en ville : on voulait salir ce saint homme, on voulait souiller l’élu de Dieu, on voulait se débarrasser de l’ami du peuple.
    À la cour du roi, la suite des événements faisait déjà grincer des dents : si le peuple était convaincu qu’un complot était à l’origine de ce drame, le Légat avait désormais les mains libres pour frapper où il voulait, quand il voulait. Et nul ne pourrait lui refuser son soutien sous peine de subir la colère aveugle de la population. Pour tous les notables, l’affaire était entendue : le Renard les avait piégés.
    Dans la chapelle, le Légat, adossé à la colonne centrale, contemplait le corps du dominicain.
    — La mort donne parfois aux hommes une présence qu’ils n’ont pas de leur vivant.
    Le Grand Maître, qui fixait le crucifix, n’abaissa même pas le regard vers le mort. Il avait vu tant de cadavres que ce dernier ne lui inspirait rien. Ni intérêt, ni pitié. Le Légat reprit :
    — Quand je dis présence , je devrais plutôt dire utilité .
    Armand leva un œil interrogateur.
    — Eh oui, voilà un homme qui a voué sa vie au service de la Foi et pourtant c’est sa mort qui sera la plus utile à l’Église. Les voies de Dieu sont fascinantes, vous ne trouvez pas ?
    Prudent, Périgord se garda bien de répondre. Si le Légat avait envie de s’exprimer par énigmes et paraboles, grand bien lui fasse.
    — Comment expliquez-vous ce qui s’est passé ? demanda le Renard.
    Périgord s’attendait à cette question. Il rompit le combat tout de suite.
    — Je n’en ai aucune idée. Mais je ne suis qu’un humble Chevalier du Temple, je n’ai point les lumières de l’Esprit que la sainte Église dispense à ses plus fidèles serviteurs.
    La réponse du Renard surprit le Grand Maître.
    — Je suis comme vous plongé dans les ténèbres. Et j’ai beau prier, implorer le Seigneur, aucune lumière ne luit d’En Haut. Sans doute, Dieu me prive-t-il de sa sagesse, car j’ai péché.
    — Votre Seigneurie est injuste envers elle-même…
    — Non, non, je m’y suis mal pris avec les Juifs…
    Le Grand Maître leva la tête.
    — Vous reconnaissez votre erreur ?
    Le Légat quitta la colonne et se planta face à Périgord. Ce dernier pouvait voir les mots se former sur ses lèvres.
    — Oui, j’aurais dû tous les tuer.

    Ferme d’Ein Kerem
    Le feu crépitait doucement. Le Devin se pencha au-dessus de l’âtre et saisit, sur le côté, un charbon de bois encore tiède. Il se plaça au centre de la pièce et commença de dessiner un triangle. La première pointe était dirigée vers le feu, la deuxième vers la partie la plus obscure de la pièce, la dernière vers la paillasse où se trouvait Bina.
    Quand le triangle fut tracé, le Devin revint vers la cheminée, prit une poignée de cendre et effaça une des pointes, celle qui était en direction du

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