Le Temple Noir
pourra certainement prendre en charge vos prochaines vacances. Suivez-moi.
Les quatre hommes longèrent la travée ouest et se dirigèrent vers la statue de saint Pierre emmaillotée. Le frère obèse leva les yeux vers la voûte. Le Christ en majesté avait presque entièrement disparu. Le superviseur intercepta son regard.
— Les hommes qui ont composé la mosaïque originelle étaient des artistes extraordinaires. Un travail prodigieux : enchâsser pierre après pierre sur la voûte, recouvrir chacune d’un vernis, et composer cette merveilleuse fresque. J’aurais aimé œuvrer avec eux. La magie des temps anciens…
— Comment allez-vous reproduire la mosaïque ? demanda le frère obèse.
Le superviseur se frotta le lobe de l’oreille, d’un air entendu.
— Les sortilèges des temps modernes… La fresque initiale a été photographiée en très haute définition. L’image résultante a été ensuite reproduite sur une grande plaque de résine, dans un atelier spécialisé dans la composition assistée par ordinateur, à Turin. Chaque carré de résine reproduira fidèlement une fraction de l’image, en respectant le rayon de courbure de la voûte. Nous serons livrés la semaine prochaine. Après il faudra les assembler, plaque par plaque.
Marcas s’était avancé et avait pris le bras de da Silva. Il lui chuchota à l’oreille :
— Votre pape est au courant du rôle joué par le père Hemler ?
— Oui, il en a été mortifié…
Le ton de la voix démentait ses propos.
— Et je suppose que, comme tous les États, le Vatican aussi se fait une raison quand les circonstances l’exigent ?
— Oui. Pourtant ne croyez pas que j’approuve. De toute façon, notre Saint-Père est très malade, je ne suis même pas certain qu’il jouisse de la contemplation de ce trésor. Il souffre d’une maladie du cœur depuis l’attentat raté. Ah, nous y voilà !
Le passage secret était grand ouvert, éclairé de l’intérieur. Marcas remarqua qu’il n’y avait plus de traces du sang d’Hemler. Tout avait été soigneusement nettoyé par l’équipe du frère obèse. Ce dernier toussa avec force.
— Navré, mais je ne vous accompagne pas. Je suis déjà descendu hier. À mon âge, il faut se ménager.
— Et faire plus de sport, Gilbert, ajouta Marcas sur un ton acide.
Le superviseur s’engouffra en premier, suivi de da Silva puis de Marcas. Ils descendirent les marches, prenant garde à ne pas glisser sur les plus humides, et arrivèrent dans la haute salle voûtée. Le monolithe trônait au centre. Antoine s’approcha avec une pointe d’appréhension. Le même que dans son rêve. La plaque du dessus avait été descellée comme si quelque chose d’inhumain en était sorti. Il frissonna.
Juste à côté du cube de pierre, une silhouette avait été dessinée sur le sol. Une odeur de terre humide empestait l’atmosphère. Marcas s’accroupit et remarqua des traces de pas tout autour. Il se releva et s’essuya les mains avec un bout de tissu qui traînait à terre. Le responsable des travaux paraissait comme désemparé. Antoine inspecta du regard l’ensemble de la salle.
— Et vous l’avez trouvé sur le sol ?
— Oui. Pauvre homme. Qui peut vouloir assassiner un serviteur de Dieu ?
— Un serviteur du diable, répondit Marcas.
Ni l’Italien ni le prêtre ne relevèrent.
— À part vous, personne n’est entré ici depuis que le cadavre a été retiré ?
— Non.
Antoine s’approcha du monolithe et effleura la pierre. La plaque gravée était brisée. L’inscription, la vérité gît au fond du tombeau, elle, était martelée. Il braqua sa torche. Le fond de la cuve était percé.
— Je ne comprends pas… dit Antoine.
Colignoni soupira.
— En fait, nos archéologues avaient ouvert le tombeau, mais il était vide. Sauf que…
— Sauf qu’il y avait un double fond, c’est ça ?
— Oui.
Antoine scruta encore le fond éventré.
— Maintenant on sait que nos intrus ne sont pas repartis les mains vides.
14
Al Kilhal
Jour de Toussaint 1232
Sitôt sortie de Jérusalem, l’escorte qui accompagnait le Légat se retrouva dans un paysage désolé. Depuis des décennies, les campagnes qui entouraient la ville souffraient des combats et des déprédations. De nombreux champs étaient à l’abandon, les systèmes d’irrigation abandonnés, sans compter les ruines noircies des fermes incendiées. Les paysans, pour la plupart, ne
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