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Le Temple Noir

Le Temple Noir

Titel: Le Temple Noir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eric Giacometti
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cultivaient plus qu’un anneau de terres fertiles autour de bourgades fortifiées où ils venaient se terrer, sitôt le soleil couché. Une pesante impression de solitude envahissait la troupe qui cheminait vers Al Kilhal. Les gardes jetaient des regards suspicieux sur le plus petit bosquet d’arbres tandis que le dominicain, les yeux fixés sur l’encolure de son cheval, priait sans interruption. Seul le Légat regardait devant lui. Les étendues désertiques l’exaltaient. Les pierres qui roulaient sous les sabots, la poussière incessante, toute cette hostilité le rendait plus léger. Enfant, il avait vu un jour un danseur de corde, suspendu dans le vide. Ses frères avaient hurlé de terreur avant de l’abandonner et de se réfugier dans les robes de la nourrice. Il était resté seul à fixer ce spectacle improbable. Depuis, il avait appris que la légèreté était la meilleure des armes, celle qui permettait toutes les métamorphoses.
    À intervalles réguliers les cavaliers de l’escorte jetaient un œil discret sur leur chef. Beaucoup étaient fascinés par son visage impassible et son regard de braise. D’autres faisaient un signe de croix discret. Dieu seul savait où le Renard du désert allait les mener.
     
    Sur la place centrale d’Al Kilhal, les rumeurs les plus folles couraient. On disait que les Francs recomptaient la rançon et que le compte n’y était plus, d’autres racontaient que certaines captives s’étaient mystérieusement volatilisées. Le Borgne s’inquiéta :
    — Il est temps que les otages arrivent.
    Le Provençal, qui consultait un plan de la ville, eut un geste d’apaisement.
    — Guillaume va bientôt revenir. Il ramène un premier groupe de femmes. Ça apaisera la tension. Dis-moi plutôt : Où se trouve la rançon ?
    Le visage du Borgne se détendit subitement. Il montra le tube d’argent pendu à son cou et sourit.
    — Sous la garde de nos meilleurs hommes, à l’entrée de la ville.
    — Et la cavalerie ?
    — Stationnée près du quartier juif.
    Roncelin reprit son plan.
    — Fais-la avancer. Ici. Et dis aux cavaliers de se tenir prêts…
    De l’index, il montra sur le vélin, une rue droite qui débouchait sur la place.
    — … prêts à charger.
     
    Sur la route de Jérusalem, les éclaireurs arrivèrent dans un nuage de poussière. L’un d’eux sauta de sa monture et vint se prosterner aux pieds du Légat.
    — Seigneur, la ville est ouverte. Les pillards doivent être à l’intérieur.
    — Pas de défense apparente ?
    — Juste quelques hommes qui gardent des prisonniers à la porte principale.
    — Une autre entrée ?
    — Non.
    Le Légat se retourna. Il avait pris avec lui une cinquantaine de chevaliers. Sa garde privée. Des hommes frustes, mais pétris de foi. Ils exécuteraient tout, ils obéiraient à tout, pour la plus grande Gloire de Dieu.
    — Où pouvons-nous nous cacher ?
    — Il y a une oliveraie, Seigneur, à moins d’une lieue. Les chevaux s’y reposeront et les hommes attendront vos ordres.
    Le Légat se tourna vers son conseiller. Le dominicain examinait ses ongles. De beaux ongles taillés et nacrés, comme l’extrémité d’une plume d’oie. Les mauvaises langues disaient qu’il trempait son doigt dans un encrier de fiel dès qu’il devait rédiger une note ou un rapport.
    — Frère dominicain, vous qui portez la bure, vous allez vous rendre en ville.
    — Moi, Seigneur ?
    Le ton du Légat se fit moqueur.
    — Bien sûr, vous. Qui se méfierait d’un frère de Saint-Dominique, d’un saint homme comme vous ?
    — Seigneur, au nom du Christ…
    — Adressez-vous à ces pillards à l’entrée. Vous les occuperez. Vous avez toujours été éloquent.
    — Seigneur, parler à des assassins, mais de quoi…
    — De Dieu. Vous ferez diversion. Nous arriverons aussitôt.
    Le Légat fit un geste. Un des soldats se saisit du dominicain gémissant et le jeta en travers d’une selle.
    — Et n’hésitez pas à le traîner dans le sable, qu’il ressemble enfin à un vrai moine.
     
    Tout essoufflé, Guillaume surgit sous les arcades, suivi d’un premier groupe d’otages. Épuisé par sa course, le colosse posa sa masse et se coucha sous une outre. D’un geste vif, il tourna le robinet d’if et emplit sa gorge d’un flot de vin qui sentait la résine de pin. Roncelin, qui faisait passer les derniers ordres aux archers, recula pour éviter les éclaboussures qui souillaient déjà le

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