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Le Temple Noir

Le Temple Noir

Titel: Le Temple Noir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eric Giacometti
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compteurs s’affolent. Il se passe quelque chose avec vos ossements. Il faut que je revérifie les données.
    Fainsworth ferma les yeux et savoura l’instant. Il n’était pas étonné. Ses efforts n’avaient pas été vains, c’était bien le squelette du maître qui reposait si près de lui.
    Tout était vrai, l’enseignement du Temple Noir , la prophétie et les rites. Ce qui avait été un homme, le saint, le maître premier, avait bien été exposé à la source de la puissance.
    En cet instant précis, il aurait voulu hurler sa joie. La science, bras armé de la raison, corroborait la tradition ésotérique de l’Ordre. Ce qui n’était qu’une chimère aux yeux de certains frères était devenu une réalité. Tangible, palpable, mesurable et rationnelle.
    Un vertige le saisit. Lui, le président de société respecté par ses pairs de la City, le patron de l’agence de notation dont le nom seul inspirait la crainte dans les cénacles financiers et politiques, il se sentait petit et misérable en présence de la dépouille qui gisait là. C’était presque comme si le squelette reprenait chair et sang au cœur du sarcophage de béton et d’acier du centre nucléaire. Du plus profond de la nuit des temps, le défunt revenait d’entre les morts pour lui délivrer son message. À lui, Lord Fainsworth, et pas à un autre.
    L’aristocrate l’avait toujours su, dès son initiation dans le Temple Noir et même avant. La sensation de vertige se transforma en ivresse. Et l’humilité en exaltation. Il n’avait plus l’ombre d’un doute sur sa raison d’être, sa venue sur terre, tout faisait sens, il était prédestiné à jouer un rôle dans le destin de l’humanité. Le vénérable de la loge n’était qu’un pleutre, indigne de sa fonction et traître à ses ancêtres. La voix de l’ingénieur le sortit de sa réflexion.
    — My lord, avez-vous entendu ce que je viens de dire ?
    — Non.
    — Le flux de protons s’est amplifié à la sortie des os. Les capteurs sont à la limite de la surcharge.
    — Je ne comprends pas, dit l’aristocrate.
    — C’est le contraire qui est en train de se passer. Le compteur indique un afflux massif de paquets de protons sortis du néant. Ça ne se peut pas, ce ne sont que des tissus calcifiés, de vulgaires os. Je les ai radiographiés juste avant de les mettre dans la cuve d’irradiation.
    Mantinéa était en nage. Il bondit de son siège et s’avança devant une armoire métallique d’où jaillissaient d’imposantes gaines électriques qui couraient vers le bas de la paroi vitrée et s’échappaient dans la salle des machines. L’ingénieur ouvrit les deux battants, révélant un alignement de cadrans de contrôle, et appuya avec fébrilité sur des interrupteurs. Soudain, une borne rouge clignota en haut de la porte. L’ingénieur cria :
    — Merde ! Nous avons trois minutes avant que la sirène d’alarme ne se déclenche et rameute toute la zone. Il faut tout stopper. Les protons ont activé quelque chose dans les os.
    L’aristocrate s’était rapproché du pupitre de contrôle. Les barres rouges montaient lentement vers le haut de l’écran tandis que le signal Level disrupted ne cessait de clignoter. Mantinéa paniquait à vue d’œil. Dans un coin de l’écran, le crâne apparaissait en gros plan, maculé d’une aura verte malsaine. Ses deux orbites irradiaient une lumière éclatante, comme si un démon avait pris possession de la boîte osseuse et lui insufflait une étincelle de vie. Mantinéa hurla :
    — C’est une réaction en chaîne. On a une émission massive de neutrons !
    — C’est radioactif ? demanda Fainsworth d’une voix blanche.
    — En partie seulement, le reste, je ne peux qu’en voir les effets.
    Fainsworth était comme hypnotisé par le squelette qui irradiait sa propre luminescence. Une onde de puissance à l’état pur.
    L’ingénieur abaissa un gros levier noir et clama :
    — Le squelette réagit comme une barre d’uranium irradiée dans une centrale nucléaire.
    L’aristocrate ne répondit pas.
    — Vous m’entendez ? Votre saloperie va faire exploser le centre !

20
    Jérusalem
Novembre 1232
    Elle gisait sur l’herbe, à demi nue dans le crépuscule naissant. Une plaie fine striait ses côtes. De ses lèvres pâles coulait un filet de sang. Elle n’avait plus la force de se lever ou même de pleurer, seuls ses doigts agrippaient encore la terre sèche. L’homme se retira

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