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Le Temple Noir

Le Temple Noir

Titel: Le Temple Noir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eric Giacometti
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avant de saluer son frère :
    — Bienvenue, Devin.
     
    Le Grand Maître se tourna vers l’Archiviste. La table était jonchée de règles de bois, de plumes, de parchemins constellés de calculs. Un compas, taché d’encre, reposait contre un chandelier.
    — Quand auras-tu fini ?
    Les yeux de l’Archiviste s’arrêtèrent dans leur élan. D’un doigt noirci, il montra une petite pile de vélins posée à l’angle de la table. Certains étaient jaunis, craquelés par le temps.
    — Il me faut encore transcrire ces comptes rendus. Ensuite je les ferai relier dans le livre vermeil .
    Périgord se pencha sur le premier folio. Une écriture fourmillante courait sur toute la page.
    — Le rapport de fouilles de 1194, commenta sobrement l’Archiviste, rédigé par un frère dont visiblement le latin n’était pas la langue de prédilection.
    — Il apporte des précisions intéressantes ?
    — Apparemment, ils avaient découvert un boyau qui passait sous le Pourrissoir.
    — Et le plan ?
    Les yeux du moine se mirent à rouler. Il soupira.
    — Les plans… Vous savez bien qu’il y en a plusieurs…
    Un bruit de pas résonna dans la cour. La messe des vêpres était terminée. Périgord saisit sa cape.
    — Tu dois avancer plus vite. Dieu seul sait combien de temps nous resterons à Jérusalem. Nos ennemis sont légion.
    Les pupilles un instant immobiles, l’Archiviste hocha la tête. Dans la citadelle du Temple, tous savaient que le Légat avait annoncé sa prochaine visite. Parmi les adversaires de l’Ordre, c’était le plus redouté, car il avançait masqué de la charité chrétienne. Le loup derrière le Renard.
    — Seigneur, je ferai tout mon possible. Non nobis domine, sed nomini tuo da gloriam.
    L’Archiviste avait conservé son accent occitan prononcé. C’est d’ailleurs dans une abbaye du Rouergue que s’était révélée sa passion imprévue et dévorante. Dès qu’il avait un moment, il traçait, dessinait ou relevait minutieusement des cotes. En quelques semaines, il avait établi les plans de tout le monastère, des dortoirs au cloître, du jardin des simples au cimetière. Quand il eut terminé, il se mit en tête de faire le relevé exhaustif des dalles de l’église, découvrant au passage l’entrée oubliée d’une crypte, à deux pas du maître-autel. En maîtres avisés, les bénédictins décidèrent de considérer ce talent imprévu comme un don de Dieu à la communauté, et le jeune novice fut confié aux mains expertes des moines du scriptorium. On lui proposa d’établir le relevé de tous les lieux sacrés de la Bible, du Paradis au Jardin des Oliviers, de Jéricho au Golgotha, et d’en tirer, chaque fois, un plan le plus précis possible. Ses premiers dessins furent unanimement appréciés et, fort de son succès, il se lança alors dans son grand œuvre : le plan de la Ville sainte de Jérusalem.
    Son abbé avait pris l’habitude de montrer certains de ses dessins à ses hôtes de marque. Un soir, un groupe de frères templiers qui traversaient le Larzac pour aller s’embarquer à Aigues-Mortes s’arrêta au monastère. Leur chef, après avoir soigneusement examiné les dessins, demanda à voir le moine. Quand il entra dans le scriptorium, le novice était penché sur son plan. Le commandeur s’intéressa à son travail, puis posa la main sur son épaule en prononçant une phrase magique :
    — Et si tu venais voir sur place ?
    Depuis, l’Archiviste tentait de dresser les plans du Temple souterrain de Salomon.
     
    Sans mot dire, le Devin suivit le gardien. L’escalier en spirale semblait sans fin. Au premier seuil se trouvait l’entrée des celliers, qui datait de l’époque romaine, mais les marches continuaient de s’enfoncer. Le Devin avait toujours aimé les escaliers. Plus il descendait, plus il avait l’impression de se rapprocher du centre, de son centre. Pourtant, une angoisse inédite le gagnait à chaque marche. Ses jambes lui semblaient bancales et la respiration parfois lui manquait. Il pria pour se redonner courage, d’une voix sèche et rugueuse comme un vent du désert.
    Arrivé au dernier niveau, celui de la citerne, le gardien se plaça devant une porte étroite et, l’épée au poing, posa les trois questions rituelles.
    — Qui t’a amené ici ?
    —  La lignée sans nom .
    — Quel âge as-tu ?
    —  L’âge des ténèbres.
    — Que cherches-tu ?
    —  Le cercle parfait .
    Le gardien fit pivoter la porte. Le

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