Le Temple Noir
Devin se baissa et passa le seuil. La salle était plongée dans la nuit. Seules trois lumières brûlaient, formant les pointes d’un triangle. À droite, un homme se tenait debout, un sceptre d’argent à la main. Le Devin posa la main sur son nombril et salua.
— Que demandes-tu ?
— La Justice .
— Avance d’un pas.
À gauche, un autre homme se tenait assis. Sur ses genoux brillait la reliure vermeille d’un livre. La main du Devin glissa sur le cœur.
— Que réclames-tu ?
— La Foi.
— Avance sans peur.
Face à lui se dressait l’autel, à peine éclairé par la lumière vacillante d’un bec d’huile.
— Le Trône est vacant, résonna une voix.
— La Force est sans feu, répliqua une autre.
Le Devin allait faire la réponse rituelle quand un bruit lourd de bottes résonna sous la voûte. Un éperon heurta une dalle et une gerbe d’étincelles troua l’obscurité.
— Frère, où est le rabbin d’Al Kilhal ?
Le Devin répondit dans un souffle :
— Dans les mains du Légat, Grand Maître.
II
19
West Cumbria
Dalton Nuclear Institute
De nos jours
Le bourdonnement sourd n’avait pas cessé depuis une demi-heure et donnait la migraine à Fainsworth. Il se leva de son siège, s’approcha de la vitre de protection de la salle qui abritait les générateurs d’irradiation et aperçut le reflet du docteur Mantinéa affairé devant son écran de contrôle. Le scientifique ne s’était pas fait prier pour accepter de mettre son laboratoire à sa disposition, en toute discrétion, moyennant un virement de cinq cent mille livres.
Fainsworth n’était pas un inconnu, sa société d’investissement en haute technologie était le partenaire privé numéro un de Dalton, en finançant la construction de trois laboratoires du complexe. Le centre avait été créé pour étudier les effets des radiations de toutes sortes sur les matériaux composites, chimiques et organiques, ainsi que pour la mise au point d’alliages de protection performants. L’enjeu industriel n’avait pas échappé à Fainsworth, c’est dans ce complexe que se concevaient les centrales nucléaires du futur. Cent cinquante ingénieurs et techniciens travaillaient à plein temps sur des programmes confidentiels.
À l’heure de la remise en cause mondiale de l’énergie de l’atome et du vieillissement des centrales en activité, le gouvernement et les entreprises qui développeraient des brevets de matériaux ultrarésistants seraient assurés de rentes mirifiques. C’était déjà le cas, quatre ans après la mise en service de Dalton, les chercheurs avaient mis au point un alliage titane-zirconium capable de protéger les gaines électriques des réacteurs des flux intempestifs de neutrons. Les grands constructeurs mondiaux ne s’étaient pas fait prier pour utiliser le brevet sous licence et la société de Fainsworth avait engrangé la bagatelle annuelle de quatre-vingt-dix millions de livres. Mieux, sa filiale de développement en biomatériaux avait trouvé une utilisation lucrative dans la fabrication de prothèses et d’implants de hanche, cinq fois plus résistants que les modèles sur le marché.
Fainsworth croisa les bras face à la vitre.
L’impatience le gagnait ; la suite du projet dépendait de ce qu’ils allaient découvrir dans les os d’un être mort depuis des centaines d’années. Sa vie, le destin d’une partie de l’humanité étaient liés à un squelette. Quelle ironie, le troisième millénaire, règne de la machine et d’Internet, apothéose de la raison, à la merci d’un vieux cadavre rongé par les siècles.
— Combien de temps encore ? s’enquit-il sur un ton qui se voulait neutre.
— Je vous l’ai dit. Je ne sais pas, fit Mantinéa d’une voix lasse. Dix secondes ou dix heures, à ce stade, la précision temporelle devient superflue. Ça ne sert à rien de rester ici, allez vous détendre dans la salle de repos. Je vous appellerai.
Fainsworth sortit et se dirigea vers le bout du couloir. Ses talons et sa canne claquaient sur le sol, le bruit sec se répercutait en écho sur les murs. Il poussa la porte de la salle. La femme buvait un café dans un gobelet en carton, l’homme plus jeune regardait la télévision accrochée au mur, captivé par un défilé de lingerie sur Fashion TV. Fainsworth s’assit devant la femme.
— Je ne t’ai pas demandé si la récupération du… colis s’est déroulée sans heurt. La mini-bombe
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