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Le Temple Noir

Le Temple Noir

Titel: Le Temple Noir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eric Giacometti
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par le geôlier et deux hommes en armes. Une voix retentit :
    — Roncelin, il est temps pour toi de parler.
    Un rire suivit.
    — Le Légat veut t’entendre en confession.

    Palais du Légat
    Le dominicain attendait dans l’antichambre. Posé à même ses genoux, le procès-verbal officiel sur l’intervention d’Al Kilhal était roulé dans une lanière de cuir. Ses ongles limés en pointe tenaient le parchemin comme les serres d’un rapace. Il faut dire que ce rapport était le premier du genre et devait servir de modèle pour tous les comptes rendus ultérieurs. Ainsi le voulait le Légat dont l’œil inquisiteur allait pouvoir scruter jusqu’au plus infime détail. Chaque participant à l’affaire d’Al Kilhal avait été interrogé, aussi bien les rares survivants que les soldats qui avaient poursuivi les pillards. Chacun avait dû répondre à une suite serrée de questions que le Légat avait préparées lui-même.
    Dans le secrétariat du palais, on avait peu apprécié cette innovation. Jusque-là, toute affaire d’Église n’avait qu’un seul témoin, un homme de Dieu, dont la parole était vérité. Et voilà qu’aujourd’hui, on allait jusqu’à faire témoigner des Syriaques, des musulmans, des soudards qui ne savaient même pas écrire leur nom. Le conseiller avait eu le plus grand mal à apaiser la colère des secrétaires. Mais quand le bruit avait couru que c’était le Saint-Père lui-même qui avait initié cette réforme, l’agitation était aussitôt retombée et chacun avait eu à cœur de se conformer avec le plus grand zèle à la volonté du pape.
    Lentement, le conseiller fit rouler une des billes de buis de son chapelet. Il avait toujours été impatient et la prière l’aidait à vaincre ce défaut. Tout en récitant un Ave, il s’approcha de la fenêtre en ogive. Un passant traversait la cour. En se penchant, il reconnut Arnault le geôlier. Une fois encore, il quittait son service alors que la prison était remplie des détenus d’Al Kilhal. Le dominicain laissa glisser son chapelet et nota mentalement de changer de gardien. On ne pouvait tolérer qu’un serviteur de l’Église s’encanaille dans les tripots de la ville basse.
     
    Derrière la porte, le Légat, torse nu, observait le jeu de ses muscles dans un miroir de Venise. Il ne contemplait jamais son visage, juste son corps. Un moyen de se rappeler le désarroi de son père quand il lui avait annoncé qu’il se consacrerait à Dieu plutôt qu’à l’héritage de sa lignée. Une discipline pour ne jamais oublier que c’était une guerre qu’il menait pour l’Église. Non pas celle des croisés, arrogants et violents, ne connaissant que le fer et le feu, mais celle de l’esprit. Une lutte sans pitié où l’ignorance, la supercherie et la vanité des hérétiques devaient être traquées, dénoncées et éradiquées.
    Le Légat se rapprocha de sa table de travail. Il contempla le livre de Flavius Josèphe, soigneusement annoté dans les marges. Décidément, ce Juif était une source inépuisable sur les us et coutumes de son propre peuple. Voilà qui lui servirait bientôt. En attendant, s’il devait mener le combat, il lui fallait une armée. Depuis sa prise de fonction, il avait observé ses collaborateurs, des hommes vertueux certes, fidèles, appliqués, mais incapables d’un combat à mort. Il lui fallait des hommes à l’esprit d’airain et au cœur trempé dans l’acier, des hommes capables de tout au nom de Dieu et du pape. Et pour cela, il avait besoin d’or. Le Légat passa une chemise en toile, figea son visage et sonna pour qu’on fasse entendre son visiteur.
    La porte s’ouvrit. Le conseiller entra et s’inclina. Assis dans une cathèdre, le Légat examinait des feuilles sur son pupitre. Un stylet, taché d’encre, noircissait le bois. Tout en s’avançant, le dominicain reconnut les procès-verbaux des interrogatoires. Le Légat avait exigé qu’on les lui transmette aussitôt transcrits. Des notes, comme des pattes de fourmi, envahissaient les marges. Brusquement, le dominicain se sentit inutile avec son rapport en lettres moulurées et paragraphes enluminés.
    — Prenez place, conseiller.
    — Seigneur, je vous apporte le compte rendu définitif que votre sagesse a commandé à vos zélés secrétaires.
    Le regard encore perdu dans sa méditation, le Légat approuva légèrement de la tête. Il avait lu l’intégralité du dossier et connaissait déjà les réponses

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