Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Temple Noir

Le Temple Noir

Titel: Le Temple Noir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eric Giacometti
Vom Netzwerk:
tuméfié comme au sortir d’une rixe. Son œil gauche surtout n’était plus qu’une croûte noirâtre. Autour du cou, il portait une sébile avec une inscription gravée. Arnault avait compris qu’il était muet. Exactement ce qu’il lui fallait pour déverser sa bile.
    — … Et je parle pas des musulmans, eux, leur chair se boucane dès qu’ils sont en prison. En moins d’une semaine, ils puent plus qu’une charogne. Je suis sûr que c’est le diable qu’ils ont dans le corps qui essaye de sortir…
    Le pèlerin faillit grimacer aux propos du gardien, mais garda son masque de sympathie. Il hocha la tête et jeta une pièce sur la table. D’un signe de la main il commanda un autre pichet.
    — Ah toi, tu me comprends, s’émut Arnault, tu n’es pas comme ma femme qui est une putain, ou mon fils dont le démon a pourri la jambe…
    Le vin coula dans le gobelet d’étain. Le geôlier l’avala aussi sec. Quand il s’essuya les lèvres, une lueur de haine s’alluma dans ses yeux. Il murmura :
    — … parmi les prisonniers, j’en ai un…
    Le pèlerin se pencha pour mieux l’entendre. Arnault saisit le pichet.
    — Lui, c’est pire… Il est juif.

    Palais du Légat
    Roncelin n’avait plus assez de salive pour parler. C’était la première fois de sa vie qu’il voyait tout en rouge. Le sang avait coulé de tout son corps et ses yeux buvaient la lumière sous un voile écarlate. Ce n’était pas la seule chose qui était nouvelle pour Roncelin. Tout était à l’envers devant lui, les chaises, les hommes debout avec des fouets, la table encombrée d’instruments de torture dont certains qui lui étaient inconnus. Il pouvait même voir les taches de sang et des bouts de chair mêlés dans la poussière grisâtre du plancher.
    Un monde rouge et à l’envers. Le monde du diable.
    Ils l’avaient suspendu là depuis une éternité de souffrance et il avait craché tout ce qu’il savait. Mais ça ne suffisait pas et ils n’en avaient pas fini avec lui. En fait, ils ne faisaient que commencer.
     
    Comme il descendait l’escalier qui menait à la chapelle, le Légat se mit à rire. Il ne s’autorisait ce plaisir que quand il était seul. Il écouta le son de sa joie rebondir sur les murs de pierre. En bas, un homme souffrait. Ce rire qui résonnait sous la voûte achèverait sans doute de l’abattre.
    Le Légat avait toujours eu du goût pour les mises en scène macabres. Jeune, il se passionnait pour les Mystères, ces pièces où l’on jouait, sous forme de drame, des épisodes de la vie du Christ. Le peuple raffolait de ces représentations. Les enfants pleuraient quand on hissait le fils de Dieu sur la croix, les hommes maudissaient Judas, les femmes se voilaient la face en gémissant quand Ponce Pilate condamnait le Sauveur à la mort. Le Légat, lui, était fasciné par la puissance émotionnelle de ces scènes, il les jugeait beaucoup plus subtiles et efficaces que le sermon d’un curé pour convaincre en profondeur les masses. Les spectateurs, même incultes, s’identifiaient à la Passion du Christ et en subissaient les mêmes émotions, les mêmes tourments. Cette idée le préoccupa longtemps. Elle était comme une lueur dans sa mémoire qui attendait de s’enflammer. Jusqu’au jour où la lumière fut. Si les spectateurs partageaient tant d’émotion, que devait alors ressentir l’acteur qui les jouait ? D’un coup, le Légat comprit tout le sens pratique d’une pareille interrogation et sa joie grandit au fur et à mesure qu’il avançait vers la chambre des supplices.
     
    Quand il pénétra dans la chapelle, il constata avec satisfaction que tout avait été exécuté selon ses ordres. Une harmonie parfaite. Surtout les couleurs. Le tourmenteur et ses aides éclairés de rouge à la lueur des torches, les murs sombres, presque noirs, et au centre la blancheur de la chair. Il leva les yeux et vit le corps de Roncelin attaché sur la croix, tête en bas. Des filets de sang coulaient de son visage tuméfié. Un manche d’ivoire et des pointes de métal brillaient au pied d’un lumignon posé à terre.
    Le Légat s’empara d’un clou et le plaça à la verticale du pouce gauche entre l’ongle et la chair.
    — Tu n’as toujours rien à dire ?
    Le Provençal secoua la tête.
    — J’ai tout dit, je le jure par le Christ.
    Le Légat saisit le maillet et frappa un coup.
    Un hurlement lui répondit.
    Le Renard saisit un nouveau clou et le fit briller à la

Weitere Kostenlose Bücher