Le templier déchu
preuve de magnanimité à l’égard de mon frère, Alexandre de Ashby. Si vous l’épargnez, il deviendra votre plus fidèle vassal et mettra toute son énergie à défendre votre royaume. Je me porte garant sur l’honneur et sur ma vie même de sa loyauté.
Visiblement pris de court par la façon dont tournaient les événements, lord Lennox réagit enfin, se leva et déclara, indigné :
— Vous voudriez le voir libérer ? Cet individu a avoué avoir fomenté un complot contre l’Écosse et vous demandez à notre roi de le relâcher ? Vous devez avoir perdu...
— Taisez-vous, Lennox ! coupa Robert Bruce d’un ton sans réplique. Il se pourrait qu’il y ait assez de place sur le gibet pour un vassal indocile et sournois. Rappelez-vous que c’est à nous seul que revient la décision finale !
— Bien sûr, sire, bégaya Lennox en s’inclinant.
Il semblait cependant désespéré, comme s’il ne pouvait se résoudre à voir sombrer ses beaux projets.
— Mais qu’en est-il de Dunleavy, sire ? insista-t-il. Marston n’est plus et je suis son voisin le plus proche. Aussi je vous demande la permission d’épouser dame Elizabeth, afin que nous puissions unir nos forces contre l’envahisseur anglais.
— Je ne suis pas une reproductrice qu’on peut acheter, lord Lennox ! répliqua Elizabeth, ulcérée.
— Elle ne peut épouser personne, intervint le père Paul.
Elizabeth pivota et le vit se frayer un chemin parmi la foule. Il s’immobilisa entre Alexandre et elle, et tendit les mains en un geste censé les relier à travers le symbole qu’il incarnait.
— Ces deux êtres ont partagé le lit conjugal. Et cette union de chair consacre leur mariage aux yeux de l’Église, à moins que l’un d’eux ne s’y oppose, déclara-t-il tranquillement. Messire Alexandre, avez-vous quelque chose à ajouter ?
— Rien, sinon que je l’aime, répondit Alexandre.
Et, pour la première fois depuis qu’ils avaient quitté la chapelle, Elizabeth le vit sourire.
Le père Paul se tourna ensuite vers elle.
— Et vous, madame, avez-vous quelque chose à ajouter ?
— Non, mon père, sinon que j’aime messire Alexandre de Ashby de tout mon cœur et de toute mon âme.
Le prêtre regarda alors le roi.
— Voilà, sire. Ce que Dieu a réuni, aucun homme ne peut le défaire.
— Le Ciel nous en préserve, mon père ! répliqua le roi, ironique. Nous avons suffisamment de conflits avec l’Église et souffrons déjà d’avoir été excommunié.
— Je suis tout à fait disposé à unir ma voix à celle des nombreux autres ecclésiastiques d’Écosse pour protester auprès de Sa Sainteté le pape au sujet de cette excommunication injuste, sire.
— Nous apprécions votre aide, car Dieu sait que nous en avons besoin, acquiesça le roi dont l’humeur semblait s’être considérablement allégée. Mais pour l’heure, nous avons un jugement à prononcer, même s’il n’est pas des plus aisés.
Le roi dévisagea longuement Elizabeth avant de reporter son attention sur Alexandre, qu’il scruta tout aussi attentivement. Quand il reprit enfin la parole, ce fut pour tenir des propos auxquels personne ne s’attendait.
— Vous vous aimez, c’est évident. Mais si l’amour peut être une très belle chose, nous en convenons, il peut aussi se révéler très dangereux, comme vous vous en êtes aperçus au cours des derniers mois, je suppose.
Le regard du roi s’assombrit comme il ajoutait :
— Nous aussi savons ce que c’est que de se battre pour un être cher, mais nous savons également qu’il n’est pas toujours possible de protéger ceux que nous aimons.
Elizabeth comprit soudain que le roi évoquait à demi-mot sa famille, qui avait été capturée alors que les forces anglaises étaient à sa poursuite et qui, depuis lors, était emprisonnée en Angleterre.
— En tant que roi, l’occasion nous est parfois donnée de réparer une injustice, et lorsque cela se produit, nous aimons à nous croire assez sage pour discerner ce qui est bon de ce qui est dangereux tant pour notre personne que pour notre royaume.
Le roi s’avança alors et, d’un mouvement fluide, tira son épée hors de son fourreau. Comme il s’approchait d’Alexandre, Elizabeth se figea, soudain inquiète. Alexandre, lui, ne broncha pas. Il attendit sans mot dire que le roi s’immobilise devant lui.
— Messire Alexandre de Ashby, jurez-vous de nous reconnaître comme votre souverain, de soutenir notre
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