Le templier déchu
qu’ils le faisaient glisser sur la table, entre deux convives. Ils la remercièrent d’un sourire timide et, après s’être inclinés, retournèrent en courant dans les cuisines.
Riant, Alissande lui tendit un linge pour essuyer la sauce qui lui avait éclaboussé la main.
— Vous êtes intervenue à temps, lui dit-elle. Heureusement, sinon Meg aurait eu un souci de plus.
— J’en ai eu mon content pour aujourd’hui ! s’exclama une voix derrière Elizabeth.
Elles pivotèrent d’un même mouvement pour faire face à Meg qui venait d’arriver et leur prit spontanément les mains pour les embrasser.
— J’imagine que nos hommes ne sont toujours pas rentrés ? soupira-t-elle.
— Non, je le crains, mais ils ne devraient plus tarder, assura Elizabeth avec un sourire encourageant.
— C’est typique de Richard de faire attendre tout le monde ! On dirait qu’il ne peut pas s’en empêcher. Il a failli rater la naissance d’Anne il y a six semaines, alors qu’il m’avait juré d’être présent – il avait déjà raté celle de Grégoire il y a sept ans ! Et aujourd’hui...
— Voyons, il n’est pas si tard, s’esclaffa Alissande en lui pressant la main. Et n’oubliez pas que si votre mari n’a pu arriver à temps pour la naissance de votre fils, c’est la faute de mon mari. Qui sait si, aujourd’hui, ce n’est pas encore Damien qui est à blâmer pour ce retard ?
— Ou Alexandre, intervint Elizabeth. Il a la détestable manie d’arriver lorsque plus personne ne l’attend. Il est incorrigible.
— Faut-il que nous soyons déraisonnables, mesdames, pour continuer de nous languir de maris aussi aventureux, pouffa Meg qui glissa son bras sous celui d’Elizabeth.
— Il faut admettre que grâce à eux, nos vies ne manquent pas d’intérêt, convint cette dernière en enveloppant ses amis d’un regard affectueux.
Comme si cette conversation avait le pouvoir mystique d’attirer ceux dont elles étaient en train de parler, la grande porte pivota sur ses gonds et Richard apparut, apparemment fatigué, mais d’autant plus séduisant que quelques fils gris lui striaient désormais les tempes.
Il accrocha le regard de Meg, lui sourit en arquant les sourcils d’une façon telle qu’elle ne put que rougir et lui rendre son sourire quand bien même elle s’inquiétait la minute d’avant. Après s’être excusée auprès d’Elizabeth et d’Alissande, elle traversa la salle pour aller l’accueillir. Lui tendant les mains, elle leva son visage vers le sien pour lui offrir ses lèvres.
Jean venait de faire son entrée. Il avait été ordonné prêtre l’année passée et portait désormais la soutane avec fierté. Au passage, il échangea quelques paroles détendues avec Richard et Meg.
Puis ce fut au tour de Damien d’apparaître sur le seuil, les joues rougies par le froid. Il fourragea dans ses cheveux, glissa un mot à la personne qui se trouvait juste derrière lui dans le couloir avant d’apercevoir Alissande qui se dirigeait vers lui.
Enfin, Alexandre pénétra dans la salle.
Alexandre...
Le cœur d’Elizabeth manqua un battement. Même après toutes ces années, elle n’était toujours pas immunisée contre son pouvoir de séduction. Du coin de l’œil, elle vit que Meg et Richard s’en allaient saluer leurs invités, ce qui marquait l’ouverture officielle du banquet, mais son regard demeura fixé sur Alexandre. Il la vit à son tour et ses yeux bleus se mirent à pétiller. Comme ses lèvres se retroussaient en un sourire charmeur, elle sentit une vague de chaleur l’envahir. Ses jambes flageolèrent et elle craignit un instant d’être obligée de s’asseoir.
Ce ne fut pas nécessaire car, l’instant d’après, elle se retrouva dans ses bras. La joue appuyée contre son torse, elle huma son odeur virile, mélange de cuir, de terre, d’air pur, et de cette décoction d’herbe qu’elle fabriquait tout exprès pour lui et qu’il utilisait dans son bain.
— Vous êtes encore plus belle que lorsque je vous ai quittée ce matin, murmura-t-il avant de lui mordiller le lobe de l’oreille.
Riant, elle se dégagea. Elle aurait certes aimé prolonger ce moment d’intimité, mais autour d’eux, les gens commençaient à les regarder. Comme si lui aussi répugnait à la lâcher, il entremêla ses doigts aux siens.
— C’est là une flatterie éhontée, monsieur. Quand vous m’avez quittée, j’étais encore au lit, j’avais les cheveux
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