Le templier déchu
le sien le blessa plus qu’il ne l’aurait cru possible étant donné les circonstances. La lâchant, il s’écarta. Elizabeth secoua la tête et battit des paupières comme si elle se réveillait brutalement d’un rêve excitant.
— Je... je suis désolée... c’est juste que... cela fait si longtemps... balbutia-t-elle.
Alexandre leva à demi la main pour lui signifier qu’elle n’avait pas besoin de se justifier. Puis, se passant la main dans les cheveux, il s’efforça de reprendre la maîtrise de son corps et de son esprit.
Ce fut plus difficile qu’il ne l’aurait cru. Lui qui s’était toujours moqué des hommes qui se laissaient diriger par leurs sens mesurait à présent le danger potentiel que représentait cette femme qu’il désirait comme un fou.
Que diable lui arrivait-il ? Il avait passé la majeure partie de sa vie d’adulte à aller de conquête en conquête, sans se compliquer l’existence et sans s’embarrasser de sentiments susceptibles d’entraver sa liberté. Alors pourquoi réagissait-il différemment aujourd’hui, alors même qu’il ne pouvait se permettre le moindre faux pas ?
Cela n’avait aucun sens. Cela allait même à l’encontre de toute logique en ce qui le concernait. En venant à Dunleavy, il s’était fixé un but précis et avait décidé de tout mettre en œuvre pour l’atteindre. Ainsi, la conclusion s’imposait d’elle-même : il ne pouvait faire l’amour à cette femme sous peine de perdre le contrôle de la situation.
Mais comment garder une relation platonique quand il devait la convaincre qu’il était bel et bien son époux ?
Elizabeth se frottait de nouveau les bras dans un geste machinal. Elle aussi avait reculé, et le considérait à présent d’un regard incertain qui trahissait un désir muet ainsi que quelque chose de plus poignant...
Doux Jésus !
Il avait besoin de temps, besoin de réfléchir, de reconsidérer la situation, et surtout de se protéger des réactions que cette femme faisait naître en lui.
Après s’être éclairci la voix, il déclara :
— Étant donné le temps que j’ai passé loin de vous, madame, peut-être vaudrait-il mieux...
Il s’interrompit, cherchant les mots susceptibles de la convaincre que tout ceci avait un sens.
— Beaucoup de choses ont changé en cinq ans, Beth. J’ai changé, et pas seulement à cause de cela, ajouta-t-il en désignant les cicatrices qui lui barraient le torse. Il est indéniable que je ne suis plus le même homme que celui que vous avez épousé. Après de tels événements, ce serait impossible.
— Je comprends, acquiesça-t-elle dans un murmure.
— En fait, nous sommes comme deux étrangers l’un pour l’autre, poursuivit-il, heureux de pouvoir dire la vérité pour une fois. C’est pourquoi je pense que nous devrions prendre le temps d’apprendre à nous connaître... de nouveau.
Il laissa passer quelques secondes pour juger de sa réaction. Peut-être venait-il de commettre une erreur fatale. Par chance, elle parut plus soulagée que méfiante.
Après une infime hésitation, elle répondit :
— Ce serait judicieux, en effet. Je vous remercie de faire preuve d’une telle patience, messire.
Après la flambée de passion qu’ils venaient de vivre, un moment de gêne s’ensuivit. Mais ils étaient tombés d’accord, et cela seul importait. Rien ne les obligeait à faire l’amour ce soir. Et si Alexandre menait sa barque habilement, peut-être cela n’arriverait-il jamais.
La partie raisonnable en lui était plutôt soulagée à cette idée, mais celle plus ténébreuse, plus rebelle, lui criait de ne pas l’être. « Si tu renonces aussi aisément, tu deviendras aussi suspect à ses yeux que si tu avais exigé d’exercer tes droits d’époux par la force, insista la petite voix persuasive. Il faut trouver un compromis, ou tu risques d’être percé à jour. »
Ce qui n’arrangeait rien, c’était qu’il sentait bien que ce n’était pas seulement la beauté physique d’Elizabeth de Selkirk qui exerçait sur lui une si puissante attraction. Sa façon de réagir à ses baisers lui avait prouvé que c’était le genre de femme – et il en existait une sur dix mille – qui cachait sous une apparence convenable un tempérament de feu ; la promesse de mille délices pour l’homme capable de libérer cette ardeur contenue.
Et, Dieu lui pardonne, il était doté du savoir-faire nécessaire, une aptitude acquise au cours
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