Le templier déchu
ensemble dans l’ordre du Temple, Alexandre eut un funeste pressentiment.
— Il semblerait qu’on l’ait trouvé en situation compromettante avec Jeanne, la fille du forgeron, qui est fiancée depuis six mois au fils du tisserand, expliqua Aubert.
— Messire Lucas aurait eu le temps de séduire cette jeune fille alors qu’il ne réside au château que depuis une semaine à peine ? s’exclama Elizabeth, interloquée.
Elle était un peu essoufflée en raison de leur train soutenu – ou parce qu’elle n’était pas encore remise de leurs ébats dans le jardin. Quoi qu’il en soit, Alexandre ralentit le pas, et jeta un regard interrogateur à Aubert.
Ce dernier se racla la gorge.
— Eh bien, commença-t-il, gêné, il semblerait que ce ne soit pas de son plein gré que Jeanne ait suivi messire Lucas, madame.
Elizabeth s’immobilisa abruptement.
— Vous feriez peut-être mieux de retourner m’attendre au château, Elizabeth, suggéra Alexandre en s’arrêtant à son tour. Ce que nous allons découvrir ne sera peut-être pas un spectacle pour vos yeux.
Elle balaya sa proposition d’un geste de la main.
— Je viens avec vous, messire. Si Jeanne a été déshonorée, vous aurez sans doute besoin de mon aide. Ou je pourrai au moins lui apporter mon soutien dans cette épreuve.
Alexandre hocha la tête en signe d’acquiescement et tous trois repartirent vers le village.
Ils débouchèrent sur la place où régnait une ambiance chaotique. Il faisait nuit et il était difficile de distinguer ce qui se passait au juste, mais il semblait que deux groupes s’affrontaient. Au milieu de ce tumulte, certains esprits plus raisonnables tentaient de calmer les esprits.
— Lord Marston va régler la question, criait une voix.
— Attendons lord Marston, renchérissait une autre.
Il était heureux que le vrai lord Marston ait été si respecté et puissant, songea Alexandre quand, à la lueur des torches, il découvrit qu’un tiers des soldats de la garnison de Dunleavy faisaient face aux villageois en colère armés de fourches, de pieux et d’épées rouillées. Le forgeron brandissait un fer qui rougeoyait dans la nuit. Un groupe de femmes et d’enfants, serrés les uns contre les autres, se tenait en retrait derrière les hommes. Certaines parmi ces femmes étaient également munies d’armes de fortune et demandaient justice.
Il suffirait d’une étincelle pour rompre cet équilibre précaire.
Pour l’heure, les deux parties n’étaient séparées que par un petit bâtiment qu’un groupe d’une dizaine d’hommes d’armes avaient encerclé. Ce n’était qu’une simple remise, quatre murs percés d’une porte et recouverts d’un toit de chaume en mauvais état, mais il ne fallait pas être grand clerc pour deviner que Lucas s’y terrait.
— Écartez-vous ! Lord et lady Marston sont là ! cria soudain quelqu’un dans la foule.
Alexandre ordonna à Aubert de rester près d’Elizabeth qui se dirigeait déjà vers les villageoises. Avant de les rejoindre, toutefois, son beau visage crispé par l’inquiétude, elle adressa à celui qu’elle prenait pour son mari un regard d’encouragement.
La foule commença à se calmer, et les deux groupes reculèrent tandis qu’Alexandre s’avançait. Comme il s’immobilisait à mi-chemin de la remise, un silence embarrassé tomba. Tourné vers les villageois, il scruta les visages des hommes présents, repérant le père de Jeanne, Guillaume Lott, au passage. Il pivota ensuite vers ses troupes. Comme il s’y attendait, Stephen se tenait près de la porte de la remise ; son expression était encore plus renfrognée qu’à l’accoutumée. Alexandre s’empressa de détourner le regard de crainte d’attirer l’attention sur l’Anglais, ce qui n’aurait fait que jeter de l’huile sur le feu.
— On m’a rapporté les circonstances qui vous ont rassemblés ici ce soir, lança-t-il d’une voix forte. J’ordonne que l’accusé soit arrêté et enfermé dans le cachot de Dunleavy. Demain matin, je convoquerai les témoins et je les écouterai avant de statuer sur le sort de l’accusé.
Son regard s’arrêta sur Guillaume, le forgeron, et il reprit :
— En tant que seigneur de Dunleavy, je jure de chercher à découvrir la vérité et de rendre justice dans un esprit d’équité. C’est pourquoi j’invite toute personne qui estimerait devoir apporter son témoignage à venir me trouver dans la grande salle du château,
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