Le templier déchu
aimait et qu’elle avait perdu à jamais lui apparut. De tendres souvenirs lui revinrent en mémoire, si doux et si douloureux à la fois.
— Si Dieu le veut, souffla-t-elle, cela m’apportera peut-être un peu de paix.
14
Alexandre s’arrêta alors qu’il approchait de l’endroit où Lucas avait établi son campement, dans les bois situés au sud de Dunleavy Castle. Au cours des dernières semaines, il avait souvent fait le chemin en compagnie de Stephen et n’avait donc eu aucun mal à le retrouver.
Il ne s’attendait bien sûr pas à trouver Jean ici. Il espérait simplement parvenir à épier les conversations et, avec un peu de chance, découvrir où le comte d’Exford et son armée séjournaient. Selon toute vraisemblance, Jean devait encore être détenu là-bas.
Cela valait en tout cas la peine d’essayer, car c’était là sa seule piste.
Il n’avait que quatre jours pour essayer de sauver son ami. Autant dire trois, car la journée touchait déjà à sa fin. Il lui fallait donc agir sans tarder s’il voulait bénéficier de l’effet de surprise.
Courbé en deux, il se rapprocha de la clairière où le campement avait été établi, puis, lentement, se fraya un chemin dans les fourrés. La végétation dense lui griffait le visage, mais il s’obstina jusqu’à atteindre l’orée de la clairière. Là, il s’allongea à plat ventre, veillant à ne pas faire le moindre bruit. Son instinct de survie et des années d’entrainement intensif au service de l’ordre du Temple lui avaient heureusement appris à se déplacer sans se faire repérer.
Ses relations avec les Templiers n’avaient pas toujours été des meilleures, mais il se félicitait parfois d’avoir joui d’une telle formation. Comme en cet instant. Il trouvait regrettable de n’avoir jamais ressenti cet esprit de solidarité qui liait tant d’autres Templiers, dont son frère, Damien, ou Richard et Jean, mais c’était ainsi, il avait toujours fait plus ou moins cavalier seul.
Que n’aurait-il donné pour avoir le soutien de ses anciens camarades en ce moment même.
Mais il était seul, comme d’habitude... s’efforçant de réparer ses propres erreurs de son mieux. Aurait-il eu avec ses camarades les liens que nombre avaient su tisser entre eux que personne ne serait venu à son secours. Et il ne pouvait s’en prendre qu’à lui-même : il s’était exclu de la fraternité et coupé de tous ses amis.
Il devait admettre que lorsqu’il avait trahi Damien, Richard et Jean, il avait agi de manière délibérée, avait choisi de commettre un acte suffisamment méprisable pour qu’aucun d’entre eux ne puisse lui accorder son pardon. C’était comme si une force en lui le poussait à rompre avec ceux qu’il aimait et qui le lui rendaient bien.
Pourquoi ? Peut-être la honte qui le consumait depuis qu’il avait été torturé. Combiné au sentiment d’être indigne en tant qu’homme comparé à son frère et à ses amis. Car durant ses longues semaines de convalescence, il lui avait bien fallu regarder la vérité en face : il n’avait rien à apporter à quiconque sinon son adresse au combat. Il savait se battre, oui, et ne s’en était pas privé. Mais à l’intérieur, il se sentait vide, et souffrait de n’être rien.
Quand cela lui était devenu proprement insupportable, il avait décidé de gagner les contrées les plus reculées des Highlands afin de disparaitre pour de bon. Malheureusement, pour cela il lui fallait de l’argent. Beaucoup d’argent. Et la solution qu’il avait trouvée pour s’en procurer avait été une double – non, une triple – insulte à son frère et à ses amis qui avaient pris de gros risques pour le ramener de France, puis l’avaient soigné avec dévouement.
Comment les avait-il remerciés de leur générosité et de leur patience ? En volant une partie du trésor dont ils avaient la garde, des sacs contenant des objets d’une valeur inestimable que leur avait remis le grand maitre du temple, Jacques de Molay, la nuit où avaient commencé les arrestations massives, presque deux ans plus tôt. Damien, Richard, Jean et lui s’étaient promis de faire sortir ces sacs de France. Puis les événements s’étaient enchaînés, les plongeant dans la tourmente...
Damien avait été arrêté cette même nuit et jeté en prison. Durant six mois, les inquisiteurs l’avaient soumis à la question. Alexandre avait été lui aussi capturé et menacé du même
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