Le templier déchu
sort. Mais son engagement envers le Temple n’avait rien de commun avec celui de Damien. Déjà convaincu qu’il n’y avait rien d’honorable ni de noble en lui, il avait aisément renié ses vœux, accepté de devenir le champion de l’Inquisition et de combattre ses anciens frères d’armes. En échange, il avait échappé au chevalet et avait essayé de leur extorquer la promesse d’épargner Damien.
Sa première mission avait été d’affronter Richard en un combat à mort : le « Jugement de Dieu ». Il s’était trouvé incapable d’aller jusqu’au bout et de prendre la vie de son camarade, ce qui lui avait valu la colère des inquisiteurs. Cette fois, il n’avait pas échappé au bourreau, et les sévices qu’on lui avait infligés avaient été particulièrement d’une cruauté inouïe.
Depuis, il avait toujours été pris entre l’enclume et le marteau. C’était en quelque sorte une façon de vivre dont il ne parvenait pas à se libérer, répétant les mêmes erreurs avec les mêmes conséquences.
Le soudain élan de noblesse qui l’avait empêché de tuer Richard ne suffisait pas à racheter les péchés impardonnables dont il s’était rendu coupable envers les trois hommes qui comptaient le plus pour lui sur terre.
Et puis, Elizabeth était apparue dans sa vie.
Non, il ne devait pas songer à elle et aux dangers qui la guettaient par sa faute. Il lui fallait d’abord trouver Jean et le sauver s’il le pouvait. Ensuite , seulement, il pourrait regagner Dunleavy au triple galop et combattre jusqu’à son dernier souffle pour empêcher Lucas et ses hommes de forcer les défenses du château et de faire du mal à ceux qui se trouvaient à l’intérieur. De faire du mal à Elizabeth.
Malgré lui, il sentit la panique l’envahir, glacial, paralysante. Seigneur Dieu, il ne pouvait que prier pour arriver à temps ! C’est tout ce qui lui restait.
Dents serrées, il rampa jusqu’à l’extrémité du bosquet, écarta doucement les basses branches pour jeter un coup d’œil dans la clairière... et se figea.
Il n’y avait rien.
Interloqué, il cilla à plusieurs reprises. Il n’y avait plus rien entre les arbres, qu’un tapis d’herbe écrasée avec un vaste trou noirâtre au milieu, là où se trouvait le feu de camp.
Enfer et damnation, il était arrivé trop tard !
L’assaut contre Dunleavy avait-il été donné plus tôt que prévu ? Pourtant Lucas n’en avait fait nulle mention lors de leur dernière entrevue. Mais Stephen apportait peut-être des informations nouvelles au moment où il avait été intercepté et tué par les gardes du château.
À moins que Lucas n’ait, d’une manière ou d’une autre, appris la mort de celui-ci. Auquel cas, s’il avait compris que leur complot avait échoué, il avait très bien pu rejoindre le camp de base et exercer sans attendre des représailles sur Jean.
Ravalant un juron, Alexandre s’extirpa des broussailles qui poussaient au pied des sorbiers. Il se redressa, épousseta les brindilles et feuilles accrochées à ses vêtements, puis s’avança jusqu’au centre de la clairière. Là, il s’agenouilla à côté des vestiges du feu et toucha les cendres pour tenter de déterminer depuis combien de temps le camp avait été abandonné.
Elles étaient froides.
Cela signifiait que Lucas et ses hommes étaient partis depuis plus d’une journée, et que, par conséquent...
— Tu cherches quelque chose, grand frère ?
Alexandre se pétrifia.
Il connaissait cette voix qui venait de retentir dans son dos. Et pourtant c’était impossible. Ce ne pouvait être...
Lentement, il pivota... et le choc qui l’ébranla alla bien au-delà de la simple surprise. En cet instant, il ressentait également du soulagement, de l’incrédulité, de la méfiance... mais surtout une joie immense, qui balayait tout le reste.
— Damien ? s’exclama-t-il enfin, toujours abasourdi.
— Tu ne vas pas me dire que tu ne me reconnais pas. Cela ne fait pas si longtemps que nous ne nous sommes vus !
— Non... c’est juste que...
Sa gorge nouée l’empêcha de poursuivre. Il était face à ce qu’il aurait pu prendre pour le fantôme de son frère cadet, n’eussent été les rayons du soleil qui auréolaient d’or sa chevelure blonde et la haute silhouette qui jetait une ombre sur le sol.
Oui, Damien portait à merveille son surnom d’« Archange », attribué lors des tournois dans lesquels il s’était distingué
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