Le templier déchu
cheval. Mais avant que j’entre dans les détails, laisse-moi te poser une question : depuis combien de temps erres-tu dans la campagne ?
— Depuis l’aube, et sans avoir dormi la nuit précédente, avoua Alexandre.
Devant le regard interrogateur de son frère, il ajouta :
— C’est une longue histoire. Je te la conterai plus tard, promis.
— Je suis pressé de l’entendre. Mais d’abord, tu dois reprendre des forces. Assieds-toi, je vais t’apporter de quoi te restaurer.
Damien lui désigna une souche avant d’aller récupérer dans son sac de selle quelques victuailles et une outre de bière.
Reconnaissant, Alexandre fit honneur à la demi-miche de pain bis et au morceau de venaison séché. Il but une bonne rasade de bière, avant de tendre l’outre à son frère afin que celui-ci se désaltère à son tour.
Ce n’est qu’une fois repu et un peu revigoré qu’il demanda :
— Jean est encore dans les parages ? J’espère en tout cas que ces ordures d’Anglais ne l’ont pas maltraité. Ils m’avaient juré que...
— Hé, une question à la fois, s’il te plaît ! Jean se trouve à deux heures de cheval d’ici, en compagnie de Richard et des autres.
— Des autres ? répéta Alexandre sans comprendre.
— Durant l’année écoulée, nous avons retrouvé une quarantaine d’anciens Templiers, pour la plupart réfugiés en Écosse, le seul royaume à leur avoir ouvert ses frontières. Toutefois, parmi eux, nous ne sommes que quatre à avoir fait partie du cercle intérieur.
— J’en connais un autre qui a survécu, mais il se bat au côté des Anglais désormais et ne compte plus parmi nos alliés, murmura Alexandre, la mine sombre.
— Oui, je sais. Lucas. Jean nous a raconté quel rôle il avait joué dans le complot auquel les Anglais t’ont contraint à participer.
Alexandre jeta un regard perplexe à son frère. Comment Jean pouvait-il être au courant du marché que les Anglais avaient passé avec lui ? Était-ce Lucas qui le lui avait révélé ?
Comme s’il avait lu dans l’esprit de son frère, Damien précisa :
— Il semble que Lucas n’ait pas résisté à l’envie de se vanter devant Jean du succès de sa mission à Dunleavy. Il lui a même dévoilé des détails fort utiles. C’est ainsi que Jean a pu me décrire cette clairière dans laquelle l’avant-poste anglais avait été établi. J’avais l’intention d’aller directement à Dunleavy Castle pour t’y retrouver, puis j’ai finalement décidé de m’attarder une journée, histoire de surveiller l’activité aux alentours. Lucas s’étranglerait s’il savait que c’est grâce à lui que nous nous sommes finalement retrouvés !
— Et s’il en trépassait, ce ne serait que justice ! Il est encore plus débauché et cruel que du temps où nous servions l’ordre du Temple. Et je ne dis pas cela parce qu’il a choisi le camp anglais.
— Pour ma part, je ne l’ai jamais aimé.
— Ton instinct ne t’a pas trompé.
— Les autres Templiers que nous avons retrouvés sont de braves gens, loyaux, et honnêtes. Nous nous sommes rencontrés périodiquement chez un chevalier, messire Gilbert Sinclair. Sa famille bénéficie du soutien du roi Robert Bruce, et elle aussi soutient les Templiers en fuite. Sinclair lui-même a fait partie de la confrérie durant une courte période, comme Richard, puisqu’il était marié quand il a rejoint nos rangs. Lorsque les arrestations ont commencé, il ne faisait plus partie des nôtres, mais les liens qu’il avait conservés se sont révélés aussi forts qu’au temps où il portait la croix écarlate sur sa tunique.
— Oui, la croix écarlate... murmura Alexandre en écho.
Il avala une gorgée de bière. Son manque d’engagement vis-à-vis de la confrérie avait souvent été un motif de querelle entre Damien et lui, et il détestait l’idée que cette pomme de discorde gâche leurs retrouvailles.
Son frère dut le sentir, car, à sa grande surprise, il déclara posément :
— Oublions le passé, Alexandre. Tu ne t’es peut-être pas dévoué corps et âme à l’Ordre, mais tu t’es amplement racheté en épargnant la vie de Richard.
— J’ignorais que tu étais au courant de cela.
Alexandre et Damien s’étaient vus à deux reprises durant la longue période de convalescence qu’avait connue Alexandre après sa libération, mais jamais ils n’avaient évoqué la confrérie ni ce qui leur était respectivement arrivé après
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