Le temps des adieux
Platon.
— Voilà qui est intéressant, commenta Helena, en souhaitant donner davantage de poids à cette révélation.
Je connaissais ce petit jeu. J’étais un enquêteur depuis bien plus longtemps qu’elle. Je la laissai rêver.
51
Mentionner l’Académie de Platon me donna une idée.
Peu enclin à tenter l’aventure seul, je pris l’initiative de passer au QG du treizième district pour voir si Petro serait revenu à de meilleurs sentiments. Ni lui ni un seul membre de son équipe ne s’y trouvait. Au moment où j’étais sur le point d’entrer, deux vigiles de la lutte anti-incendie apparurent. Apparemment, l’ordre avait été donné de ne pas m’admettre à l’intérieur. J’en fus extrêmement peiné.
Je compris néanmoins que Petronius et ses hommes étaient partis assister aux funérailles de Linus. S’il n’y avait eu cette dispute entre nous, je serais moi-même allé présenter mes devoirs ; mais en l’état actuel des choses, ma venue prendrait des allures de provocation. Je choisis donc d’honorer le mort en privé. Le pauvre garçon ne méritait pas cette fin.
Je pris ensuite la direction du Circus Maximus, pour gagner l’Académie de Platon. À la différence du poste de garde que je venais de quitter, on me laissa entrer. Je parvins même à arriver directement jusqu’à Lalage, sans la moindre difficulté. L’ambiance générale me parut plutôt léthargique. Il semblait y avoir peu de clients. Personne ne traînait dans les couloirs. Un enchevêtrement de guirlandes flétries et un tas d’amphores vides attendaient d’être enlevés. Des domestiques s’affairaient au ménage, mais en silence. Sans doute les travailleuses de la nuit avaient-elles besoin de récupérer.
Je ne trouvai pas Lalage en train de se reposer sur un divan de lecture en lisant des églogues de Virgile, mais grimpée sur un escabeau pour remettre de l’huile dans les lampes pendues au plafond.
— Je sais, commentai-je. On ne peut pas vraiment se fier aux esclaves.
— Les esclaves ont d’autres tâches à accomplir auprès de mes clients.
Elle faillit alors tomber en tendant le bras trop loin pour remplir la dernière lampe. Les gestes qu’elle fit pour se rétablir étaient délicieusement érotiques. Elle y parvint au moment où je m’apprêtais à la recevoir dans mes bras.
— Tu es Falco, c’est bien ça ?
— Enfin la célébrité !
— Disons tristement célèbre !
Depuis ma dernière visite, elle avait apparemment entendu parler de moi, et pas forcément en bien.
— J’ai reçu la visite du Meunier et du Petit Icare, attaquai-je. Tu connais ces joyeux drilles ?
— Des méchants. Ils sont interdits de séjour ici.
— Ça ne m’étonne pas. J’ai déjà eu l’occasion d’apercevoir tes respectables clients…
Elle n’eut pas la moindre réaction. Il en fallait beaucoup plus pour émouvoir Lalage.
— Mes deux visiteurs sont venus me menacer. Ça veut dire que je dérange dans les bas-fonds.
J’espérais qu’elle laisserait échapper un indice la reliant à la bande de Balbinus, mais j’en fus pour mes frais.
Je lui offris la main pour l’aider à descendre de son perchoir. Elle m’effleura ensuite en passant devant moi. Son corps ferme était souligné par une seule épaisseur de tissu très finement tissé.
— Et que me veut donc Marcus Didius dont on parle tant ?
— Marcus ? Comme tu y vas. Je n’ai pas souvenir qu’on en soit venu à ce degré de familiarité lors de ma dernière visite en compagnie de Petronius Longus. À moins que nous ne soyons de vieux amis, tous les deux ?
Lalage m’examina de la tête aux pieds de ses yeux magnifiques.
— Non, ça j’en doute.
— Écoute, tu peux économiser tes regards langoureux, il est beaucoup trop tôt pour moi.
N’empêche que la proximité de son corps me mettait mal à l’aise. Mais pas question de flancher. Heureusement, Lalage ne passa pas à l’assaut. À la vérité, pour une patronne de bordel, elle avait des manières plutôt policées.
— Tu ne m’as toujours pas donné la raison de ta visite, insista-t-elle d’une voix de gorge.
— Je viens négocier un armistice, croassai-je.
Elle pouffa de rire, mais me fit signe de l’accompagner jusqu’à un divan profond. Je me perchai sur le bord, aussi éloigné d’elle que possible. Aujourd’hui, son cou d’une grâce extrême était dépourvu de tout bijou. Elle me regardait en battant de ses longs
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