Le temps des illusions
important.Maurepas, jaloux, se tient sur ses gardes. Les amours du roi tiennent la Cour en haleine.Mme de Mailly ne jouit plus de la même faveur. Accablée par la mort deMme de Vintimille, elle ne parvient plus à distraire son amant perpétuellement déprimé. La malheureuse sent bien qu’il lui échappe.
Soudain, au mois de février 1742, Louis a retrouvé le goût de vivre. Il est tombé amoureux deMme de La Tournelle, veuve depuis peu, et qui est revenue à Versailles le jour du Mardi gras, déguisée en chinoise. Il n’eut d’yeux que pour elle. « Dieu qu’elle est belle ! », s’exclama-t-il en la revoyant à Petit-Bourg chez leduc d’Antin. Elle surpasse en beauté les autres femmes. Grande et très bien proportionnée, elle offre aux regards un décolleté parfait. Deux yeux noirs pleins de feu illuminent son visage aux traits réguliers et son sourire découvre des dents parfaitement bien rangées. Consciente de l’attrait qu’elle exerce sur les hommes, intelligente et pleine d’esprit, très ambitieuse aussi, elle sait se faire désirer. Depuis peu, elle a cédé auduc d’Agenois qui l’aime comme un fou. Le roi le sait et ne fait rien pour la conquérir.
Leduc de Richelieu, dont les bonnes fortunes ne se comptent plus, adore nouer et dénouer les fils des intrigues amoureuses, les siennes comme celles des autres. Il a décidé que Mme de La Tournelle serait la maîtresse du roi. Ce n’est pas tant pour servir les goûts de son maître que pour assouvir ses ambitions personnelles, car cet incorrigible don Juan, promu maréchal de camp en 1738, rêve maintenant de jouer un rôle politique. Pour mener à bien son entreprise, il s’allie avec les Tencin. De vieilles connaissances les Tencin. Il a un peucouché avecAlexandrine ; ce n’était qu’une petite affaire de sexe sans conséquence. L’ancienne nonne était trop cynique pour s’attacher à un séducteur tel que lui, mais elle est devenue une amie très utile, voire nécessaire. Elle le tient au courant des moindres potins lorsqu’il s’absente de Versailles, le renseigne sur ses maîtresses, s’occupe de sa maison et espionne son intendant. À l’heure actuelle, ils ont besoin l’un de l’autre : Richelieu ami intime du roi, confident de ses amours, soutiendra lecardinal de Tencin auprès deLouis XV pour succéder àFleury et Tencin pourra alors lui obtenir un ministère. Leurs intentions ne sont cependant pas aussi mesquines et intéressées qu’on pourrait le croire. Le duc et le cardinal déplorent tous deux le désordre qui règne au Conseil :Maurepas domine le roi en l’amusant par ses reparties mordantes et les ragots qu’il lui distille sans fin ; lemaréchal de Noailles pontifie etd’Argenson ne pense qu’à ses enivrants soupers avec sa maîtresse. Trop impressionné par le roi, Tencin n’ose lui parler et préfère lui envoyer des billets pour exposer ses vues.Louis XV ne lui répond jamais. « C’est parler aux rochers ! Il n’est affecté de rien. Dans le conseil, il est d’une indifférence absolue et dans le travail particulier, il souscrit à tout ce qui lui est présenté », écrit-il àRichelieu. Quand les dossiers arrivent, les décisions sont déjà prises. Aussi lesTencinet le duc ont-ils décidé de gouverner le roi par l’intermédiaire de sa maîtresse. Le temps deMme de Mailly est révolu et d’ailleurs cette aimable femme n’aurait pas été à la hauteur de leurs ambitions. Richelieu a convaincu ses amis de soutenir l’intrigue qui mettraMme de La Tournelle dans les bras du roi.
Le plan présente quelques difficultés. La marquise aime lepetit d’Agenois et le roi est inhibé devant les femmes d’une grande beauté. Richelieu et les Tencin multiplient les occasions de rencontre entre le souverain et celle qu’ils lui destinent. Mais Louis se contente d’admirer Mme de La Tournelle. Richelieu s’impatiente. Il fait expédier d’Agenois dans le Languedoc et demande à une femme qu’il avait naguère aimée à Montpellier de séduire l’esseulé, ce qui ne manque pas. D’Agenois envoie des lettres brûlantes à la belle Languedocienne qui les transmet à Richelieu, lequel les montre à Mme de La Tournelle passablement dépitée. La chance sourit encore à Richelieu lorsque meurt laduchesse de Mazarin qui abritait Mme de La Tournelle et son autre sœurMme de Flavacourt.Maurepas, la bête noire de Richelieu et des Tencin, héritier de Mme de
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