Le temps des illusions
Mazarin,s’empresse de mettre à la porte les deux dames. Grâce à la bonne Mailly toujours prête à rendre service, les deux sœurs trouvent refuge à Versailles ! Le 20 septembre,Louis XV nomme Mme de La Tournelle dame du palais à la place de Mme de Mazarin et Mme de Mailly, l’imprudente, cède la sienne à Mme de Flavacourt.
Richelieu déploie alors tous ses talents pour faire avouer au roi l’attrait qu’il éprouve pour Mme de La Tournelle. « Écrivez-lui, lui dit-il, votre secret sera le sien et sa conduite décidera de la vôtre. » Louis suit docilement le conseil et lui envoie deux lettres qui restent sans réponse.
« Vous avez voulu que j’écrivisse, j’ai écrit, j’ai écrit deux fois, dit-il àRichelieu, vous ne me conseillerez pas d’écrire une troisième ; j’ai pris mon parti et je pense à quelqu’un.
– À merveille, lui répondit-il ; c’est la seule chose à faire et commeMme de La Tournelle que vous ne connaissez pas ne peut être pour vous qu’une tentation et non une passion, on peut s’en guérir bien vite.
– Ainsi ferai-je. Il n’y a queMme de Mailly qui m’embarrasse.
– Et voilà ce qui doit beaucoup moins embarrasser V.M. que toute autre chose. Je me charge, moi, de ce qui est convenable entre elle et V.M. Je ne lui apprendrai pas qu’elle n’en est plus aimée, elle en meurt de chagrin ; mais je l’occuperai du seul moyen de sauver sa gloire. Vous n’entendrez sûrement plus parler d’elle.
– En êtes-vous bien sûr ? M’en répondez-vous ?
– Je la connais trop bien pour en douter. Elle sera si profondément désolée qu’elle se jettera vraisemblablement tout de suite dans un couvent. »
Très soulagé, le roi questionna Richelieu sur un certain nombre de femmes de la Cour. Après qu’il en eut cité plusieurs, son confident lui déclara :
« Ce sont des femmes galantes, assez jolies, et pas mal ennuyeuses au bout de vingt-quatre heures.
– Il faut donc penser à une femme qui me tente quoiqu’elle m’inquiète.
– Mme de La Tournelle, belle comme les amours, doit être une conquête ; vos généraux ne feront pas cette conquête pour vous. Elle ne sera pas conquise si vous ne la conquérez pas. Assurément vos pareils ont des avantages ; mais le plus grand en amour est d’être jeune, beau comme V.M. et surtout d’être aimable.François I er ,Henri IV,Louis XIV se donnèrent la peine de plaire : cela devrait coûter moins à V.M. qu’à personne. Mais une maîtresse n’est point un portefeuille et si vos ministres vous apportent le leur à votre Conseil, je doute fort qu’ils puissent mettreMme de La Tournelle dans vos bras. Il faut lui plaire et commencer par lui dire que vous êtes épris 7 . »
Sur ces entrefaites,Richelieu alla chez la marquise qui accepta de le recevoir avec le monarque à une heure du matin. Aussitôt après il fila comme l’éclair auprès du roi et lui demanda de le rejoindre chez lui après son coucher, précisant qu’ils se costumeraient pour se rendre chez Mme de La Tournelle afin de ne pas être reconnus.
Peu après minuit, revêtus de longs manteaux noirs et coiffés de lourdes perruques également noires, ils avaient l’air de deux médecins. Le masque donne souvent l’assurance qu’on n’a pas dans le monde. Ce soir-là, le déguisement rassurait le roi et lui fit retrouver son assurance. Mme de La Tournelle fut si étonnée de son accoutrement que la surprise et les rires évitèrent l’embarras. La comtesse reçut la déclaration d’amour du roi, dont le visage restait en partie caché par la grotesque perruque. Une vraie scène de comédie !
Cependant, la dame posa ses conditions : elle voulait être « maîtresse déclarée » et elle exigeait le renvoi deMme de Mailly.Louis XV hésitait ; elle enrageait : « SûrementMeuse vous aura mandé la peine que j’aie eu à faire déguerpir Mme de Mailly, écrivit-elle à Richelieu parti rejoindre l’armée de Noailles en Flandre ; enfin j’ai obtenu qu’on lui 8 mandât de ne point revenir que quand on lui demanderait. Vous croyez peut-être que c’est une affaire finie ? Point du tout. C’est qu’il 9 est outré de douleur et qu’il ne m’écrit pas une lettre qu’il ne m’en parle et qu’il me demande de la faire revenir et qu’il ne l’approchera pas, mais qu’il me demande de la voir quelquefois : j’en reçois une dans ce moment où il me dit que si je lui refuse, je
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