Le temps des illusions
alors que le roi a décidé de continuer la guerre au nom d’une intempestive fidélité àl’empereur bavarois. « Mon intention n’est pas d’abandonner l’empereur ni la Bavière », a-t-il répété aumaréchal de Noailles. Aussi les préparatifs militaires se poursuivent-ils. Il faut reconstituer les armées. Celle qui est revenue de Prague et celle de Bavière sont épuisées.
Le 13 février 1743, on a affiché une ordonnance royale pour la levée d’une milice à Paris. On ne pouvait imaginer mesure plus impopulaire. Jusqu’alors la milice qui sert de troupe auxiliaireétait tirée uniquement dans les campagnes et dans certaines villes. Elle ne l’avait jamais été à Paris. Dix-huit cents hommes seront tirés au sort pour former un corps d’infanterie qui ira se battre. Devront se présenter chez les commissaires de quartier les garçons de seize à quarante ans, mesurant au moins cinq pieds. Tous les gens sans aveu ou sans domicile fixe sont miliciens d’office. Les fils de marchands et d’artisans ne sont pas exemptés comme c’était la coutume. Cette ordonnance les exaspère d’autant plus qu’elle ne concerne ni les domestiques ni les laquais. Le peuple murmure. On tient des propos séditieux dans les cabarets du faubourg Saint-Antoine. Des exempts de police courent après les jeunes gens qui s’enfuient vers la campagne. Assembler tant de troupes semble fou alors qu’aucune puissance n’a déclaré la guerre à la France. On entend dire que l’État est mal gouverné et que le ministère est trop faible pour qu’on se tire avec honneur des fausses démarches commises jusqu’à maintenant. On a envoyé des convocations à tous ceux qui sont inscrits sur le registre des commissaires et on tire au sort les miliciens dans l’hôtel des Invalides sous la garde des soldats. Le premier jour, on a appelé les garçons du quartier Saint-Germain ; le lendemain, ceux du quartier du Luxembourg et ainsi de suite… On réunit les jeunes gens par groupes de trente ; ils doivent prendre un billet dans un chapeau tenu parM. de Marville lui-même. Il y a vingt-cinq billets blancs et cinq noirs. Ceux qui tirent les noirs sont inscrits comme miliciens ; on établit leur signalement et on leur donne une cocarde de ruban bleu et blanc pour accrocher à leur chapeau. Ceux qui ont les billets blancs partent en courant et ils se retrouvent tous au cabaret. Le 27 avril, les gars du faubourg Saint-Marceau se sont mis en route à six heures du matin avec tambour et violons comme pour se rendre à une fête. Les derniers ont été ceux du faubourg Saint-Antoine qui ont tiré les billets dans la cour du château de Vincennes pour éviter de leur faire traverser Paris, car ce sont les plus agités. Tout s’est passé tranquillement. Dans les rues, on ne voit que des miliciens avec leur cocarde, titubant après avoir noyé leur chagrin. Cette levée de milice a dérangé les artisans, qui se voient privés d’une partie de leurs ouvriers et des laquais bien fiers se moquent des miliciens qu’ils rencontrent en leur faisant des signes insultants du haut de leurs carrosses.
Le 25 mai, deux bataillons de miliciens sont partis rejoindre l’armée dumaréchal de Maillebois en Flandre.Noailles commande l’armée de la Moselle et leprince de Conti est parti pour la Bavière. On a appris queMarie-Thérèse avait été couronnée reine de Bohême à Prague le 12 mai. Les mauvaises nouvelles d’Allemagne se succèdent. Les Autrichiens harcèlent les troupes françaises, qui ont perdu plusieurs combats au cours du mois de juin.
Le 3 juillet la consternation règne dans Paris et à la Cour : les Français ont subi une grave défaite à Dettingen, à six lieues de Francfort, le 27 juin : on compte 3 000 morts parmi lesquels se trouvent beaucoup d’officiers. Des commentaires très fâcheux courent sur cette malheureuse affaire qui s’est soldée par une catastrophe en raison de la précipitation duduc de Gramont, colonel des gardes françaises, lequel n’a pas attendu l’achèvement de la manœuvre en cours, obligeant ainsi à changer le dispositif de la bataille en cours d’opérations. Son régiment mis en déroute par les Anglais a semé la panique dans les rangs de la maison du roi 14 . Après trois heures de combat, lemaréchal de Noailles a dû ordonner la retraite. Un concert d’imprécations condamne très vite cette défaite transformée en déroute. On accuse de lâcheté les
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