Le temps des illusions
princesse n’a que onze ans !
Secrets d’État et intrigues d’alcôve
Les courtisans se trompent en croyant que le roi se préoccupe peu des affaires européennes.Louis XV est l’homme du secret. Il agit à l’insu de tous. Depuis la défaite de Dettingen, il élabore des plans avec lemaréchal de Noailles. Séparés par quelques centaines de lieues, le monarque et son conseiller échangent une importante correspondance par l’intermédiaire d’agents connus d’eux seuls.
La situation est grave.Louis XV etFleury partis en guerre dans l’espoir de ruiner la maison de Habsbourg ont échoué.Marie-Thérèse rentrée en possession de ses États a l’intention de se venger. Contrainte de céder la Silésie auroi de Prusse, elle rend Louis XV responsable des épreuves qu’elle a subies puisque c’est lui qui a voulu faire élire l’empereur bavarois qu’elle juge illégitime. Ses troupes occupent aujourd’hui les États de ce malheureux fantoche, qui a signé la paix avec elle et promis sa neutralité. Elle menace maintenant la France. Les troupes royales disposées le long de la frontière s’apprêtent à défendre l’Alsace.
Pendant l’été qui a suivi Dettingen, le roi s’est longuement interrogé : ne fallait-il pas rappeler ses armées qui n’étaient que des auxiliaires de l’empereur ? D’ailleurs, ironie du sort, la guerre n’a jamais été déclarée ! « Nous sommes dans le siècle des choses extraordinaires », avoue-t-il à Noailles. D’aprèsle maréchal, abandonner l’empereur conduirait à la catastrophe,Marie-Thérèse et leroi d’Angleterre étant décidés à former une coalition contre la France. Ils rechercheront des alliés chez les princes allemands, mais ceux-ci n’oseront pas y adhérer si la France défend l’empereur bavarois. On connaît les raisons qui inspirent la reine de Hongrie. Quant à l’Angleterre, elle veut briser le crédit de laFrance en Europe, ruiner son commerce et lui faire abandonner son soutien à l’Espagne. Noailles préconise une guerre offensive et supplie le roi de se mettre à la tête d’une armée qui attaquera les Pays-Bas autrichiens. Le projet enthousiasmeLouis XV. Il « grille d’envie » de prendre le commandement de son armée. « Je suis accoutumé à me contenir sur les choses que je désire et qui n’ont pas été possibles jusqu’à présent, ou du moins qu’on n’a pas cru telles, dit-il au maréchal. J’ai un désir extrême de pouvoir connaître par moi-même un métier que mes pères ont si bien pratiqué et qui jusqu’à présent ne m’a pas réussi par la voie d’autrui, ainsi qu’il y avait lieu de s’en flatter. » Noailles lui a répondu « qu’un roi n’était jamais aussi grand qu’à la tête de ses armées ».
Louis XV a pris sa décision sans en parler à ses ministres. Ils se doutent bien que leur maître n’est pas prêt à demander la paix lorsqu’ils le voient se livrer à une intense activité diplomatique. Le roi resserre ses liens avec l’Espagne et rompt ceux qu’il entretenait avecCharles-Emmanuel de Savoie, lequel s’est rapproché de Marie-Thérèse par crainte des ambitions espagnoles sur le Nord de l’Italie. Pour sa plus grande joie,Frédéric II vient d’entamer des pourparlers d’alliance avec lui.
Louis XV s’est contenté d’annoncer à ses ministres son intention d’organiser un débarquement en Angleterre afin de rétablir sur le trône le princeCharles Édouard Stuart, fils de Jacques III, à la place de George II de Hanovre. Surprenante entreprise ! Mais ce n’est qu’une diversion pour obliger les troupes d’Allemagne à revenir en Angleterre. Les Anglais, ayant éventé les préparatifs français, ont mis leurs ports en état d’alerte dès l’automne. Au reste, la marine française ne peut se comparer à la marine britannique. Au début du mois de mars 1744, quatre des dix-huit navires rassemblés à Brest ont pris l’eau ; les quatorze autres qui se dirigeaient vers l’estuaire de la Tamise subirent une énorme tempête du 6 au 7 mars qui les rejeta sur la côte. Le lendemain, un coup de vent a mis la flotte en déroute. Fiasco total ! Cependant, le 15 mars, le roi a déclaré la guerre à l’Angleterre et le 26 avril à lareine Hongrie. Le jour même, il a renvoyéAmelot afin de diriger personnellement les Affaires étrangères. Seul le mauvais temps l’empêche de partir se mettre à la tête de l’armée de Flandre.
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