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Le temps des illusions

Le temps des illusions

Titel: Le temps des illusions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Evelyne Lever
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manifestations. Elle remarque cependant qu’il est souvent « fatigué de faire le roi ». Par la force des choses, il endosse ce rôle avec les enfants qu’il rencontre, même lors d’une mascarade suivie d’un goûter et d’un feu d’artifice chez sa marraine la duchesse deLa Ferté. Si on le conduit à la porte Saint-Antoine assister au défilé du carnaval, il ne peut pas vraiment s’amuser. Avec sa gouvernante seule il se comporte en enfant. Cette intimité sera-t-elle préservée ? Tout dépend de son gouverneur, le maréchal deVilleroy. Pour l’heure, le petit roi réclame Maman Ventadour.

    Le tsar à Paris
    Un invité inattendu intrigue la Cour et la Ville, le tsarPierre I er de Russie. Le 30 avril 1717, lorsqu’il a mis pied à terre à Dunkerque, la délégation venue l’accueillir a cru voir un héros de tragédie débarquant de son vaisseau sur la scène d’un théâtre immense. Il ne ressemble à aucun autre souverain. Sa taille élevée, son visage basané taillé à la serpe, son regard perçant, ses gestes brusques et son air de grandeur mêlé d’audace annoncent un homme qui ne supporte pas la contradiction. Il se sent le maître partout où il se trouve. Il a vite fait comprendre au maréchal deTessé que le cérémonial l’exaspérait et rien ne s’est passé comme prévu.
    Le tsar ne supportait ni l’allure ni la chaleur du carrosse. Il s’arrêta dans un village où il découvrit dans une remise la caisse vermoulue d’une sorte de phaéton. Il la bricola lui-même pour la transformer en litière sur laquelle il s’allongea afin de poursuivre ainsi son voyage. Le lendemain était le jour de la Pâque russe. Pierre et sa suite ont célébré la Résurrection avec tant de vin et de liqueur que la plupart de ses boyards roulèrent sous les tables. Cependant, le temps pressait. Le tsar résolut de bouleverser le programme officiel. Il enfourcha un cheval, traversa Amiens puis Beauvais au galop, sans assister aux réceptions des évêques. Il mangea et dormit aux relais de poste comme un simple courrier.
    Évitant les princes venus à sa rencontre, il est arrivé le 7 mai à Paris, vers dix heures du soir, couvert de poussière, escorté par trois cents grenadiers qui ont juste eu le temps de seller leurs chevaux. Le roi dormait et leRégent soupait. On ne les dérangea pas. On conduisit aussitôt le tsar au Louvre dans l’appartement de la reine mère préparé à son intention. Il jugea l’ameublement trop somptueux et l’éclairage trop brillant. Un autre appartement lui était réservé dans l’hôtel de Lesdiguières attenant à l’Arsenal. Il s’y rendit aussitôt, pesta encore contre le luxe et exigea qu’on préparât son lit de camp dans une garde-robe. Il ne toucha pas au souper, avala une pinte de bière et se coucha. Un ouragan cet homme-là.
    C’est, dit-on, un pragmatique d’une grande intelligence, qui veut sortir son empire de l’état de stagnation dans lequel il végètedepuis des siècles. Il lui a donné des lois, une administration et surtout une capitale créée par sa seule volonté à l’embouchure de la Neva, sur la Baltique. Cette ville baptisée Saint-Pétersbourg est une fenêtre ouverte sur l’Occident tant admiré par le tsar. Il y a déjà plusieurs années qu’il désire connaître la France et nouer une alliance avec elle. LeRégent n’a pas l’intention de se rapprocher d’un ennemi de l’Angleterre, la nouvelle alliée de la France, mais il n’a pu s’opposer à ce séjour qui risque de coûter fort cher. Les quarante personnes de la suite impériale vivront aux frais du roi. Pour combien de temps ? On l’ignore. La première visite du duc d’Orléans à son hôte s’est déroulée selon le protocole imposé par le tsar. Le 10 mai,Louis XV s’est rendu auprès dePierre I er qui l’a soulevé dans ses bras pour l’embrasser tendrement plusieurs fois.
    Depuis lors, le tsar veut tout voir à Paris. Accompagné par le princeKourakine qui lui sert d’interprète, il se déplace à pied, entre dans les boutiques, parle aux ouvriers et donne son avis sur tout ce qu’il voit, faisant preuve de connaissances pratiques très développées. L’art le touche peu, en revanche tout ce qui peut être utile excite sa curiosité. Il a longuement admiré les tapisseries des Gobelins, visité le Jardin des plantes ; il s’est rendu deux fois à l’Observatoire où il a demandé quantité d’explications ; devant le

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