Le temps des illusions
« appelants » et les « acceptants ». La menace d’une rupture avec le pape pèse sur la France.
Avec les princes, c’est une autre affaire. Voulue parLouis XIV, l’intégration des bâtards dans la famille royale n’a jamais été acceptée. Vécue à l’instar d’un viol de la morale, des lois fondamentales du royaume et des droits princiers, elle a engendré une guerre intestine à l’intérieur de ces fratries recomposées. Les princes du sang n’ont jamais admis la promotion des enfants adultérins. Le 22 août 1716, ils ont sonné « un premier coup de tocsin » en présentant au roi une requête contre les édits donnant au duc duMaine et au comte deToulouse la qualité de prince du sang et la possibilité de succéder à la couronne. Les ducs et pairs, qui se considèrent humiliés par l’élévation des bâtards au-dessus d’eux, ont à leur tour déposé une requête au roi pour réduire les légitimés au rang de la pairie.
LeRégent a fait la sourde oreille. Il fuit les querelles et ne veut pas offenser sa femme, sœur du duc duMaine et du comte de Toulouse. Hélas, Mme du Maine ne fait pas preuve de la même sagesse. Elle enrage depuis que le duc d’Orléans a évincé son époux des charges et des prérogatives accordées par le testament du feu roi. Maintenant elle tempête contre son frère, le comte deCharolais, son neveu le duc deBourbon et son cousin le prince deConti qui veulent déposséder son mari et ses fils de leur rangde prince du sang. Elle secoue son époux pour qu’il intervienne auprès du Régent ! Cédant aux objurgations de sa femme, il a écrit à Philippe d’Orléans qu’il s’agissait là « d’une affaire d’État qui ne pouvait être jugée que par un roi majeur ou les états généraux ». Il n’en fallait pas davantage pour déchaîner la colère du Régent. Il a aussitôt répliqué en nommant six conseillers d’État qui recevront les mémoires des princes du sang et ceux des légitimés.
Mme du Maine ne lit plus les poètes, n’apprend plus de rôles, elle se compose un autre personnage. Elle passe ses journées à compulser des livres de droit, pérore sur les règles de succession au trône, convoque des juristes, papillonne autour de tous ceux qu’elle juge capables de soutenir la cause de son mari et de ses fils. Elle parvient ainsi à convaincre trente-neuf gentilshommes de présenter une requête au Parlement tendant à demander qu’une affaire concernant la dévolution de la couronne soit remise aux états généraux. Son amant, le cardinal dePolignac, rédige un mémoire avec l’aide de l’inévitableMalézieu et d’un avocat de Toulouse. La princesse relit le texte pour y apporter sa touche personnelle. Et l’on voit lapetite-fille du Grand Condé en appeler au peuple pour défendre les droits des bâtards ! « Citoyens, dit-elle, est-ce un prince enfant conduit en lisière par leRégent qui peut au nom de la souveraineté nationale enlever à son oncle, le duc duMaine, l’éventualité du trône, au mépris de la volonté persévérante du feu roi ? » Le public se passionne autant pour cette affaire que pour la bulle Unigenitus .
Le mémoire des nobles en faveur des légitimés déposé au Parlement a été transmis au Régent, qui n’a pas tergiversé longtemps. Il a fait embastiller les plus excités d’entre eux et décidé de porter la cause des légitimés devant le Conseil de régence.
Le 1 er juillet, la princesse a été frappée en plein cœur : un arrêt en forme d’édit a déclaré le duc du Maine et le comte deToulouse inhabiles à succéder à la couronne et les a privés de la qualité de prince du sang.
Surmontant son orgueil, Mme du Maine se rendit au Palais-Royal dans l’espoir de négocier avec le Régent par l’intermédiaire de son épouse. Mais la duchesse d’Orléans, sœur de M. du Maine et aussi timide que lui, se contenta de balbutier quelques paroles embarrassées. Ulcérée, Louise-Bénédicte rentra chez elle pour seheurter à la douce indifférence de son mari réfugié dans sa tourelle au milieu de ses livres.
M. le Régent etDubois surveillent discrètement la princesse. On la sait capable de toutes les folies. On la soupçonne d’intriguer avec le roi d’Espagne, qui estime toujours avoir des droits sur le trône de France. Les relations diplomatiques sont rompues entre les deux royaumes depuis que la Triple-Alliance conclue par Dubois a été connue.
Tempête au
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