Le temps des illusions
queLouis XV était hors de danger. Un vrai miracle !
À Versailles comme à Paris, on ne s’était guère inquiété de la maladie du roi jusqu’à la nuit du 14 août. La reine recevait des nouvelles contradictoires ; elle voulut partir lorsqu’elle comprit que le mal était sérieux. Le 14, son écuyer, M. de Saint-Cloud, qui revenait de Metz lui dit qu’il avait trouvé le roi assez bien, mais le même jour elle reçut une lettre du grand chambellan, leduc de Bouillon. En la lisant, Marie fut prise d’un tremblementqu’elle ne parvint pas à maîtriser. Elle se réfugia en pleurant dans son cabinet et se rendit peu après à la chapelle avecle dauphin. Elle finit par lire ce message à ses proches. Une lettre ducomte d’Argenson confirma les informations de M. de Bouillon : le roi lui demandait de s’avancer jusqu’à Lunéville. La reine partit le lendemain à six heures du matin. Ses enfants et plusieurs dames de sa suite prirent place dans une autre voiture.
En apprenant que le roi avait reçu les sacrements, Paris sombra dans une consternation inimaginable. Le samedi 15 et le dimanche 16 des carrosses stationnaient aux abords de la grande poste remplie de monde. On attendait des courriers, mais rien ne venait. À Notre-Dame et dans toutes les églises on récitait les prières des quarante heures. On pensait que le roi était mort. La foule pleurait. Le 17 au matin, on sut que Louis vivait encore : il avait passé une meilleure nuit. Cette nouvelle devint le sujet de toutes les conversations. Le bureau de la Ville de Paris envoya trente-cinq hommes sur la route de Metz postés toutes les deux lieues avec des chevaux, ce qui permit de recevoir deux bulletins par jour. À partir du 18, les Parisiens reprirent espoir. Dans les provinces, où l’on avait fini par connaître l’état du roi, on arrêtait les courriers, on les retenait pour qu’ils parlent ; on les embrassait lorsqu’on commença de reprendre espoir. Toute la France priait dans les églises ; on faisait des processions ; on invoquait le Seigneur.
L’angoisse enfin dissipée, les commentaires vont bon train. On blâme sévèrement leduc de Richelieu etMme de Châteauroux d’avoir tenu le roi éloigné de tous en le privant aussi longtemps des secours de la religion. On accuseLa Peyronie d’avoir négligé les avis deChicoyneau, médecin du roi, et d’avoir tant tardé à appeler les médecins parisiens.
À Metz,Louis XV se remet très lentement. On l’a tout d’abord soutenu pour marcher ; il reprend doucement une alimentation normale. Ses médecins lui administrent du pavot pour qu’il dorme tranquillement et du quinquina pour lui rendre des forces. Toujours très inquiet, il s’alarme pour la moindre chose. Sa maladie l’empêche de travailler, mais les ministres sont tous arrivés à Metz ; aucun n’ose lui parler. Le 8 septembre, il s’est habillé pour la première fois ; le 11, il a commencé à s’entretenir avecM. d’Argenson et avecM. de Maurepas.
Vive Louis le Bien-Aimé
Livré à sa mélancolie habituelle, le roi se remémore les épisodes de sa maladie. Une longue lettre de Richelieu achève de le convaincre qu’il a été manipulé par le clan des dévots, lesquels ont volontairement exagéré la gravité de son mal afin de le ramener dans le chemin de la morale et de la religion. Son ami et complice lui dépeint avec force la cabale ourdie parMgr de Fitz-James pour renvoyer sa maîtresse, exiger un repentir public et faire venir auprès de luila reine et ses enfants. Il lui fait remarquer quele gouverneur dudauphin lui a désobéi : alors qu’il devait laisser le jeune prince à Châlons, il l’a conduit jusqu’à Metz comme pour recevoir la couronne des mains de son père à l’agonie.
Ces réflexions troublentLouis XV. Il s’en veut de ne pas avoir eu la force de résister à la pression de son pieux entourage. Aussi change-t-il brusquement. Il renonce aux prières avec son confesseur et accueille la reine avec une telle froideur que leduc de Luynes en est surpris. Il pense à rappeler bientôtMme de Châteauroux auprès de lui. Son état s’améliorant de jour en jour, il a décidé de partir pour Strasbourg.
Pendant qu’on croyait le roi en danger de mort, leduc de Noailles qui détenait le commandement de l’armée d’Alsace est resté suspendu aux nouvelles de Metz alors que l’armée du prince Charles de Lorraine, beau-frère deMarie-Thérèse, avait franchi le Rhin
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