Le temps des illusions
soldée par une dramatique défaite. Est-ce cette coïncidence qui a tant fait couler les larmes dela reine et de ses filles ? Elles ont embrasséle dauphin en sanglotant. La mine soucieuse,Louis XV est partiavec son fils rejoindre le maréchal de Saxe qui a mis le siège devant Tournai.
Le 8 mai, le roi et le dauphin sont arrivés auprès du maréchal dont la santé chancelante inspire quelque inquiétude. Fiévreux, incapable de monter à cheval, il se déplace très vite dans une sorte de berceau en osier. La présence du monarque galvanise les troupes, maisMaurice de Saxe craint pour la vie de son maître. Il redoute aussi de devoir partager le commandement avec lui, ce qui pourrait engendrer des ordres contradictoires et des avis discordants. Mais le roi a déclaré aux officiers qu’il serait le premier à donner l’exemple de l’obéissance au généralissime. Ce dernier est forcé de livrer bataille contre les forces ennemies placées sous le commandement duduc de Cumberland, troisième fils duroi d’Angleterre, lequel a l’intention de prendre les Français à revers pour dégager Tournai. Le maréchal de Saxe, qui préfère les manœuvres ininterrompues aux batailles, est obligé d’accepter l’affrontement. Il ne dispose que de 40 000 hommes alors que les forces de Cumberland s’élèvent à plus de 55 000, composées d’Anglais, de Hanovriens, de Hollandais et de quelques Impériaux. Les États de Marie-Thérèse sont donc défendus par ses alliés, mais qu’importe.
Le maréchal de Saxe a parfaitement reconnu le terrain. Il a choisi de couper la route de Cumberland en déployant ses hommes en position défensive sur la rive droite de l’Escaut entre le village d’Antoing et celui de Fontenoy, dont les habitants évacués ont été remplacés par des soldats placés derrière des redoutes et des batteries.
Pendant la nuit du 9 au 10 mai, les deux armées sont sur pied sous un crachin glacial. À six heures, la pluie ayant cessé, l’affrontement commence par une furieuse canonnade des Anglo-Hanovriens. On déplore déjà plusieurs morts du côté français. Leduc de Gramont est emporté par un boulet de canon. À huit heures,Cumberland lance une première attaque qui est vigoureusement repoussée. À neuf heures, même manœuvre, même échec pour les Anglais. Le prince change alors de tactique. Il réunit ses forces en trois grosses colonnes à l’est de Fontenoy de manière à forcer les lignes françaises. Vingt mille hommes forment ainsi un énorme carré que le sol boueux transforme bientôt en une colonne qui s’avance lente et terrible tel un rouleau compresseur.À midi la tête de cette colonne est face à la ligne française. Quels sont ceux qui tireront les premiers ? C’est la mort assurée pour ceux qui ouvrent le feu. Leurs adversaires ont tout le temps d’avancer et de tirer pendant qu’ils rechargent leurs fusils. La première décharge part des rangs français. Le feu roulant des Britanniques leur répond. La colonne anglaise s’avance, écrasant les uns sur son passage, repoussant les autres ; un début de panique désorganise l’armée française. Les généraux désemparés croient déjà la bataille perdue et conseillent au roi et au dauphin de se retirer.Louis XV, qui observait la bataille depuis une position assez élevée, demeure parfaitement calme et refuse de bouger d’un pouce.Le dauphin veut alors se saisir de son épée et se mêler aux officiers de la maison du roi, mais son père l’en dissuade.
Soudain la chance tourne. L’ennemi qui avance n’a pas de point d’appui ; les charges de la cavalerie française sur ses flancs empêchent la colonne de se déployer tandis que lemaréchal de Saxe, qui a rassemblé le reste de ses troupes, l’attaque violemment sur ses flancs par un assaut général où se distinguent la maison du roi, la gendarmerie et les carabiniers menés parRichelieu. En un quart d’heure, la colonne anglaise est écrasée sous un déluge de feu.
À deux heures, le duc de Cumberland se retire, abandonne ses morts, ses blessés, ses chariots et ses canons. La bataille de Fontenoy est achevée. Le maréchal de Saxe ne poursuit pas les vaincus ; il retourne au siège de Tournai qui maintenant ne tardera pas à tomber.
« Les Anglais ont été étrillés comme des chiens courants », jubile le généralissime. « Sire j’ai assez vécu ; je ne souhaitais de vivre aujourd’hui que pour voir Votre Majesté
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