Le temps des illusions
Parlement. Aussitôt la dame a pris les armes de cette famille éteinte depuis peu : d’azur à trois tours d’argent maçonnées de sable. Elle est prête pour son nouveau rôle.
Louis XV etle dauphin sont arrivés dans la capitale par la Villette, le 7 septembre à quatre heures de l’après-midi. Pressé de se rendre aux Tuileries, le roi ne s’est pas arrêté dans la maison que la Ville avait aménagée pour lui. Escorté par plusieurs détachements de gardes du corps, de gendarmes, de mousquetaires et de gardes suisses, il avança en carrosse au milieu d’un grand concours de peuple massé tout le long de son chemin. Le cortège passa sous des arcs de triomphe tandis que la foule l’acclamait. À la porte Saint-Martin, les représentants de la Ville en tenue d’apparat lui remirent à genoux les clés de la capitale. À six heures, le monarque arriva enfin aux Tuileries où l’attendaient la reine et les princesses. La foule qui l’avait suivi depuis son entrée se répandit dans les jardins. Le souverain, la famille royale et les courtisans se montrèrent aux fenêtres, entraînant des ovations sans fin. Le lendemain, il y eut messe et Te Deum ; le soir un grand souper à l’Hôtel de Ville fut précédé par un concert suivi d’un feu d’artifice tiré sur la place de Grève. Après le souper, le roi, la reine et leurs enfants montèrent en carrosse pour parcourir les rues illuminées où se pressaient des milliers de badauds. Cette nuit-là, on dansait aussi à l’Opéra. Le vendredi, la Cour est repartie pour Versailles.
Malgré ses obligations, le roi a revu discrètement sa maîtresse dès son retour à Paris. Il en est toujours aussi amoureux. PourMme de Pompadour les vacances d’Étiolles sont achevées. Elle fera son entrée officielle à la Cour, qui la voit venir en usurpatrice. On guettera le moindre de ses faux pas, on lui tendra des pièges, on ne lui épargnera pas un manquement aux usages. Elle le sait, aussi doit-elle se hausser à la mesure de ses ambitions et ne pas décevoir le roi.
De mémoire de courtisan, on n’a jamais attendu avec pareille impatience une présentation. Une étiquette minutieuse règle la cérémonie à l’issue de laquelle la personne présentée peut participer aux bals, aux concerts, aux réceptions que président les souverains chaque semaine ; elle peut être invitée aux soupers des petits cabinets et elle a le droit de monter dans les carrosses du roi et de la reine.
Le 14 septembre, des centaines de courtisans piétinent depuis longtemps dans l’antichambre du roi et dans celle de la reine pour voir la fille d’un financier, née Poisson, parrainée par deux dames de la Cour, s’incliner devant le roi Très Chrétien, devant la reine et devant leurs enfants. On se demandait « quelle p… » se prêterait à semblable comédie.Louis XV a désigné laprincesse de Conti 2 , petite-fille de Louis XIV par la main gauche, pour conduire sa maîtresse. La seconde est une parente éloignée deMme de Pompadour, lacomtesse d’Estrades. Sous les regards peu amènes de ce pays-ci, la marquise de Pompadour exécute ses révérences avec grâce sans commettre un seul impair et répond avec aisance aux quelques paroles aimables prononcées par le roi et parla reine. Marie s’est montrée plutôt bienveillante avec elle ; elle était moins gênée que le roi… Seuls les enfants de LL. MM. ont manifesté une froideur ostensible.
L’élégante dignité de Mme de Pompadour lors de cette cérémonie, son parfait maintien le lendemain à la messe de la reine ont désarmé quelques-uns de ses détracteurs. Les hommes, séduits par sa beauté, sensibles au charme qui émane de toute sa personne, sont enclins à l’indulgence. Les femmes résistent davantage ; elles refusent de frayer avec une parvenue du lit royal. Cependant, si la nouvelle élue se maintient auprès du roi, elles seront bien forcées de lui faire bonne figure. La nouvelle maîtresse installée dans l’ancien appartement deMme de Châteauroux est désormais à la disposition de son seigneur et maître. Ce dernier, fatigué par la campagne et par les fêtes parisiennes, a décidé de partir pour Choisy en petit comité. Il n’emmena avec lui que Mme de Pompadour, lagrosse Lauraguais, Mmes de Sassenage, de Bellefonds et de Saint-Germain auxquelles se joignirent lesducs d’Ayen, deDuras et deRichelieu ainsi que lecomte de Meuse. Cependant, l’escapade fut assombrie par une
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