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Le temps des illusions

Le temps des illusions

Titel: Le temps des illusions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Evelyne Lever
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avec Émilie n’ont pas été heureuses. Ils ont partagé leur temps entre Paris, Versailles, la cour deStanislas et celle de la duchesse duMaine qui est aujourd’hui une respectable vieille dame de soixante-dix ans. À Sceaux, leurs caprices ont agacé les hôtes de la princesse : ils se cloîtraient dans leurs chambres pendant la journée et faisaient assaut de bel esprit le soir. Mme deStaal, qui ne les aime guère, dit qu’ils avaient l’air de deux spectres se promenant avec une odeur de corps embaumés. À Lunéville, Stanislas les accueillit royalement. La reine CatherineOpalinska n’étant plus de ce monde, on y jouissait d’une aimable liberté. Belle comme l’amour, la comtesse deBoufflers, maîtresse du roi, régnait sur la Cour. Le souverain tolérait ses infidélités pourvu qu’elle maintînt les apparences. Surnommée la « dame de volupté », Mme de Boufflers choisissait ses amants selon son bon plaisir et les réduisait souvent à l’état de suppliants. Voltaire et Émilie devinèrent sans mal les intrigues de ce petit monde qui luttait contre l’ennui : on jouait gros jeu, ce qui flattait la dangereuse passion de Mme du Chatêlet ; on faisait de la musique, de la peinture, des vers et on donnait des spectacles interprétés par de véritables comédiens, mais aussi par les courtisans qui avaient la rage du théâtre comme dans tous les châteaux de France.
    Au début de 1748, la « dame de volupté » lassée de son amantSaint-Lambert, bel officier et poète à ses heures, jeta son dévolu sur le vicomte Adhémar de Marsanne. Restée sage pendant trop longtemps,Émilie fit des avances àSaint-Lambert qui lui répondit dans l’espoir de rendre jalouse l’infidèle. Très excitée par ce jeune homme, Émilie tomba dans ses bras et son désir se mua en folle passion. Pendant quelques semaines, elle essaya de croire au bonheur, mais encore une fois, elle aimait pour deux.Voltaire découvrit bientôt la liaison, voulut rompre avec Émilie, mais elle lui jura de l’aimer toujours et l’assura qu’il ne s’agissait que d’un passager embrasement des sens.
    Ils repartirent ensemble pour Paris. Voltaire reprit ses travaux d’historiographe, assista aux répétitions de Sémiramis , pendant qu’Émilie se morfondait en attendant les lettres, ô combien décevantes, de Saint-Lambert. À leur retour en Lorraine, Mme du Chatêlet retrouva son amant que Mme deBoufflers avait repris.Il partagea ses faveurs entre les deux dames en marquant une nette préférence pour Mme de Boufflers. Au début de l’année 1749, Émilie semblait si préoccupée que Voltaire la força de lui avouer la cause de cet état. Il reçut alors ce qu’il appelle une taloche de la fortune. Mme du Chatêlet était enceinte ! Il fallait prendre rapidement la décision qui s’imposait. Seul le marquisdu Chatêlet pouvait être le père de l’enfant, mais il n’avait pas eu de relations intimes avec son épouse depuis des années. Conscients de la triste comédie qu’ils allaient jouer, Voltaire et Émilie appelèrent aussitôt ce galant homme sous prétexte de lui demander conseil pour un procès et de lui rendre de l’argent. M. du Chatêlet arriva dans son château de Cirey où il trouva une assez nombreuse compagnie. Le soir, on le fit beaucoup boire et il se retrouva plus tard dans le lit de son épouse. Pendant quelques semaines, le marquis coula des jours idylliques à Cirey. Peu avant son départ, Émilie lui annonça qu’elle attendait un enfant de lui. Il accueillit la nouvelle avec bonheur et quitta sa femme en lui disant qu’il espérait un fils.
    Rien ne pouvait rendre sa gaieté à Émilie. Obsédée par l’idée de la mort, elle travaillait sans relâche à sa traduction deNewton. Pour un oui, pour un non, elle cherchait querelle à Voltaire, qui subissait sa mauvaise humeur sans mot dire. Mme deBoufflers, qui avait appris sans grande émotion l’état de son amie, promit de lui faciliter son accouchement à Lunéville oùStanislas lui fit meubler une petite maison tout exprès pour cette épreuve qu’Émilie voyait arriver avec angoisse : « Je trouve ridicule d’accoucher à quarante ans », disait-elle. Son état n’avait pas diminué sa passion pourSaint-Lambert. « Je vous aime avec démence », lui écrivit-elle encore à la veille de son accouchement.
    À sa grande surprise, la naissance se passa le mieux du monde. « Cette nuit étant à son secrétaire et

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