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Le temps des illusions

Le temps des illusions

Titel: Le temps des illusions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Evelyne Lever
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récite toutes ses ordures de sang-froid ».
    Au mois d’août 1731, alors que l’instruction s’achevait, toute la ville d’Aix était en émoi ; dans la cour du couvent des jésuites on avait élevé pendant la nuit une potence avec un écriteau désignant le prêtre impie. Le peuple brûlait en effigie le pèreGirard au coin des rues. Le bruit courut qu’il était mort dans sa prison, ce qui aurait bien arrangé les magistrats. Il n’en était rien. Catherine Cadière, enfermée comme une criminelle au quatrième étage de sa prison, vit sa captivité renforcée. Sa porte cadenassée fut gardée par un archer et l’on mit des grilles à sa fenêtre ! Elle demandait vainement à voir sa mère et ses frères. L’opinion montée contre les Jésuites voyait en elle la brebis victime de leur perfidie. On parlait de complot des Jésuites.
    La France et même l’Europe attendaient le verdict de ce procès qui traînait en longueur. On sait de bonne source que les magistrats n’étaient pas du même avis. Les uns penchaient pour la culpabilité du père Girard et voulaient le condamner aux galères ; les autres croyaient que Catherine Cadière avait inventé toute cette histoire et qu’il fallait la pendre après lui avoir fait subir la question afin qu’elle dénonçât ses complices. L’attente se poursuivait. Enfin, le 10 septembre, le verdict tomba : le père Girard fut déchargé des accusations portées contre lui et on renvoya la demoiselle Cadière chez sa mère. On apprit que onze juges avaient voulu condamner le jésuite, onze autres la jeune fille. Ils décidèrent finalement de les mettre tous deux hors de cause. Ainsi dans cette affaire retentissante, il y eut des crimes, mais pas de criminels !
    À Paris, on s’indigne de savoir que le père Girard n’est pas pendu. Mais pour les partisans des Jésuites comme l’avocatBarbier, le parlement d’Aix s’est déshonoré par ce jugement. Il accuse les jansénistes d’avoir acheté les juges. « C’eût été pour eux une grande fête de voir pendre un jésuite 5  », dit-il grinçant des dents.
    Qui l’eût dit ? Ce procès a inspiré un opéra-comique intitulé Le Nouveau Tarquin  ; Lucrèce est CatherineCadière, le pèreGirard, Tarquin et Brutus, le juge. Les avocats plaident en vers, en prose et en chansons et lorsque le juge a tout entendu, il renvoie les parties dos à dos !

    État de crise
    Le jansénisme menace toujours de diviser l’Église et devient peu à peu un mouvement politique hostile à la monarchie. Toute opposition à la bulle Unigenitus , désormais loi d’État et symbole de l’autorité royale, est considérée comme une attaque dirigée contre l’absolutisme et justifie la répression.Fleury poursuit son combat contre les prêtres jansénistes : plus de trois cents d’entre eux sont suspendus de leurs fonctions ; le principal et les régents du collège Sainte-Barbe, suspectés de répandre la doctrine, ont été remplacés par des ecclésiastiques issus du séminaire de Saint-Sulpice ; des lettres de cachet frappent les appelants. Enfin les convulsions de Saint-Médard sont considérées comme un défi àl’épiscopat et la monarchie. La fermeture de la maison du diacreParis et celle du cimetière sont des actes politiques destinés à mettre fin à des désordres et à éradiquer un mouvement dangereux pour la paix intérieure du royaume.
    Cependant, malgré les recherches et les poursuites, Les Nouvelles ecclésiastiques continuent de paraître et lancent des appels au public afin qu’il prenne parti dans ces querelles dépassant de loin les interprétations théologiques. Elles dénoncent le despotisme de l’Église et aussi celui de l’État. Fustigeant les Jésuites et le lieutenant de police, cette presse clandestine exalte le rôle du Parlement dont les magistrats démontrent juridiquement que certaines initiatives épiscopales ou ministérielles menacent leurs droits. Le pouvoir se heurte maintenant au monde judiciaire qui prend le relais du clergé.
    Hors du Parlement, mais en rapport direct avec lui, les avocats continuent de politiser le discours janséniste. Ne détenant pas d’office, ils échappent au contrôle direct du Parlement et à celui du pouvoir royal. Ils ont ainsi le droit de publier des consultations juridiques sans être soumis à une censure préalable. On se souvient de leur réaction à l’issue du concile d’Embrun ; ils atteignent désormais un public de plus

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