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Le temps des illusions

Le temps des illusions

Titel: Le temps des illusions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Evelyne Lever
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avait gravement abusé d’elle. Se voyant déshonorée, elle porta officiellement plainte devant le lieutenant criminel de Toulon, le 18 novembre 1730.

    Le diable dans le bénitier
    Dès le début de l’instruction, Catherine Cadière fut enfermée dans le couvent des ursulines de Toulon, dirigé par des jésuites et dont la mère supérieure était une pénitente du pèreGirard. Les interrogatoires de l’Official et du lieutenant de police se succédaient. D’après l’avocat de la demoiselle Cadière, les témoinscités par le greffier du lieutenant de police et par ceux de l’Official étaient choisis pour justifier le père Girard. C’étaient pour la plupart ses anciennes paroissiennes.
    Le scandale était si grave que le roi attribua à la Grand-Chambre du Parlement la connaissance de cette affaire. Par un arrêt du 16 février 1731, deux conseillers de cette cour furent envoyés à Toulon afin de poursuivre l’information et de faire ensuite le procès extraordinaire à la requête du procureur général. D’après l’avocat de Catherine Cadière, ces messieurs n’auditionnèrent que 24 témoins sur les 112 qui étaient cités. Ils entendirent le père Girard et la plaignante, qui répéta ce qu’elle avait déjà dit. Cependant elle se rétracta. Les magistrats procédèrent ensuite à la confrontation de l’accusé avec la plaignante. Le jésuite et sa pénitente affirmèrent qu’il ne s’était rien passé que de très pur entre eux. Le père Girard assura qu’il regardait Catherine Cadière comme une très sainte fille.
    Cependant, le 20 mars, Catherine Cadière revint sur sa rétractation en affirmant qu’elle avait parlé précédemment sous l’effet de menaces et après avoir bu une boisson donnée par son confesseur qui l’avait enivrée. Ses nouvelles déclarations furent enregistrées et bien qu’elle se soit présentée comme plaignante et victime, on la conduisit manu militari dans le monastère de la Visitation d’Aix-en-Provence en attendant le procès. Elle ne pouvait voir que sa mère et ses frères.
    De son côté, le pèreGirard se défendait. Il avait cru découvrir en Mlle Cadière une âme privilégiée, inspirée par le Christ et qui se croyait appelée par Dieu. Elle avait lu toutes les vies de saintes du début de l’ère chrétienne et voulait se faire passer « pour une fille à miracles ». Un jour, elle lui confia que Satan l’habitait et l’empêchait de prier. Ses tourments augmentèrent, elle fut prise de convulsions qui alarmèrent sa famille et les stigmates de Jésus apparurent sur son corps. Enfin elle entrait en extase pendant des heures. Les frères de Catherine avaient appelé son confesseur afin de les aider. Le père Girard estima qu’elle avait la rage de passer pour une sainte. Il reconnaissait qu’elle lui avait montré un pot de chambre plein de sang, mais que c’était là une de ces folles actions dont elle était coutumière. Bien qu’il la considérât désormais comme une extravagante, il accepta qu’elle partît au couvent d’Ollioules où il allait la voir.
    Certaines lettres du père Girard adressées à sa pénitente et produites au cours du procès laissaient supposer que le comportement du jésuite n’était pas aussi clair qu’il espérait le laisser croire. Que voulait-il dire lorsqu’il écrivait à la jeune Cadière : « J’ai une grande faim de vous revoir et de tout voir ; vous savez que je ne demande que mon bien et qu’il y a longtemps que je n’ai rien vu qu’à demi » ? S’agissait-il des stigmates ? Toutes les interprétations sont possibles.
    L’instruction terminée, le père Girard fut accusé de sorcellerie : les juges mettant sur le compte de la magie tous les faits extraordinaires arrivés à sa pénitente, il était considéré comme l’esclave du démon. C’est le malin qui lui aurait fait commettre les crimes d’inceste spirituel et d’avortement.
    Depuis des mois, les factums des avocats circulaient dans toute la France. On les lisait à la Cour, à la Ville, dans les cloîtres, dans les familles. Les interrogatoires de la plaignante et ceux de l’inculpé faisaient les délices des amateurs de romans érotiques. L’avocat parisien MathieuMarais écrivit à son ami le présidentBouhier 4 que le factum de CatherineCadière faisait concurrence à Aloysia , le dernier chef-d’œuvre de la littérature pornographique. Il ne comprenait pas « l’imbécillité de cette fille qui

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