Le temps des illusions
d’intrigue et n’entend rien à la politique. Douce, soumise et gaie, elle a l’âge du roi. Elle se meurt d’amour pour lui et ne pense qu’à rendre heureux un amant auquel elle n’aurait jamais osé prétendre. Le roi la rencontre en cachette au château de Madrid ou à La Muette. À Versailles, Bachelier la fait entrer dansles petits cabinets par des portes donnant sur les cours intérieures. Le secret des amours royales reste bien gardé.
La reineest malheureuse. Enceinte encore une fois, elle se doute de la trahison de son époux et pleure la mort de deux de ses enfants. Au mois de février 1733, MadameTroisième, très enrhumée, saignée quatre fois par le médecin des enfants de France, est morte d’épuisement en quelques heures ! Elle avait cinq ans. Deux mois plus tard, le duc d’Anjou tomba malade ; on le changea d’appartement pour le rapprocher de sa mère dont l’inquiétude grandissait au fil des heures. La nuit du 7 avril, prise d’un funeste pressentiment alors qu’elle était couchée avec le roi, Marie se leva pour ouvrir une fenêtre donnant sur celle du petit prince. « Comment se porte le duc d’Anjou ? », cria-t-elle à un crocheteur qui se trouvait là. « Il est mort », répondit placidement le bonhomme. Elle poussa un cri, le roi sortit du lit, la soutint et ils fondirent tous deux en larmes.
Le dernier mois de la grossesse royale fut difficile. Le 11 mai, Marie accoucha… d’une fille,Marie-Victoire. Cette naissance a ravivé la tristesse des époux. L’innocente reine se culpabilise d’avoir mis au monde tant de filles alors qu’elle n’a donné que deux fils à la monarchie. Heureusement, le dauphin se porte bien. Marie sait qu’elle se reposera trois mois avant de porter un autre enfant, les médecins exigeant ce temps d’abstinence entre chaque grossesse. « Toujours coucher, toujours grosse, toujours accoucher », aurait-elle dit. C’est du moins ce que raconte le marquis d’Argenson. Et tant de femmes rêveraient d’être à sa place !
Stanislass’en va-t-en guerre
Marie reste intimement liée avec ses parents qui vivent à Chambord d’une pension souvent rognée par le cardinal, soucieux de faire des économies.Fleury méprise les Leszczynski. Stanislas n’est qu’un noble polonais élu et chassé par une assemblée de hobereaux turbulents. Mêler ce sang à celui des Bourbons a toujours semblé un péché contre la monarchie à cet ecclésiastique issu du peuple. La pauvre Marie continue d’en faire les frais.Fleury lui fait sentir son insignifiance. Elle souffre en silence et ne peut s’épancher que dans le cœur de son « chérissime papa » auquel elle écrit régulièrement.Elle lui confie ses doutes sur la fidélité de son mari.Stanislas tente de la rassurer. Elle n’a pas le droit de se plaindre. N’est-elle pas reine de France, mère du dauphin ? Reine elle demeurera. Qu’elle se souvienne d’où elle vient. EtMarie, comme à son habitude, prie et se soumet… à la volonté divine exprimée par un père qui l’a élevée dans le respect de la religion catholique.
En réalité, les pleurs de sa fille affectent moins Stanislas qu’ils ne l’auraient fait quelques mois plus tôt. L’ex-roi de Pologne est un personnage romanesque venu d’un monde sauvage, où s’affrontent des clans nobiliaires dont la fortune instable se fonde sur des terres immenses et pauvres. État aux frontières mal définies, royaume électif ingouvernable en proie à des querelles incessantes entre palatins, la Pologne est convoitée par la Russie et par l’Autriche, qui voient en elle une proie facile à dépecer. En 1704, Stanislas Leszczynsky avait été élu grâce à l’appui deCharles XII de Suède, lequel avait envahi la Pologne pour venir à bout d’une coalition menée contre lui parAuguste II et letsar. Battu par les Russes à la bataille de la Poltava en 1709, Charles XII fut fait prisonnier et Stanislas s’enfuit en Suède tandis qu’Auguste II de Saxe remontait sur le trône de Pologne. N’abandonnant pas son bienfaiteur dans le malheur, Stanislas le rejoignit en Bessarabie où il était détenu. Stanislas resta lui-même en résidence surveillée à Bender jusqu’en 1714. Il put alors s’installer avec sa famille dans le duché des Deux-Ponts, possession de Charles XII en Allemagne. En 1718, à la mort du roi de Suède, il se réfugia à Wissembourg où il demeura jusqu’au mariage providentiel de sa
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