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Le temps des poisons

Le temps des poisons

Titel: Le temps des poisons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: C.L. Grace
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Margaret.
    — Bon, nous ferions mieux de partir, déclara Colum en s'avançant, pouces passés dans son ceinturon.
    Les membres du conseil paroissial se dispersèrent comme des poulets devant un goupil. Ils avaient observé Murtagh de très près et leur méfiance s'était accrue face à ce grand Irlandais au teint mat avec ses yeux profondément enfoncés, sa bouche et son menton fermes, sa démarche assurée, le ceinturon qui entourait sa taille et le fourreau qui battait le haut de ses bottes en cuir noir. L'Irlandais, ami proche de Lord Henry et, par conséquent, homme de pouvoir, faisait montre d'autorité. De plus, les villageois se souvenaient d'avoir eu affaire, pendant la récente guerre civile, à ce genre d'individus : des mercenaires irlandais, dévoués corps et âme à la maison d'York.
    Colum s'arrêta et désigna Roger.
    —
    Vous, Messire !
    Le médecin, traits tirés et yeux larmoyants, lui répondit par un regard peu amène.
    — Adam est mort ; son âme a rejoint Dieu et ce monde n'existe plus pour lui, déclara Murtagh. Vous devez emporter son corps au dépositoire.

    — Il vaut mieux, en effet, renchérit Kathryn. Le poison va enfler le ventre. Ce ne sera pas un spectacle agréable. Je suggère qu'on s'empresse de lui faire sa toilette mortuaire. Mon père, vous devez l'enterrer sans délai, demain matin au plus tard, ainsi qu'Elias et Isabella.
    — C'est à moi d'enlever les cadavres et de décider de la date de l'inhumation, intervint Walter.
    — Tant qu'on l'emporte et qu'on l'ensevelit demain matin, je n'ai cure, Messire, de vos décisions, répliqua Colum en souriant.
    Le père Clement intervint :
    —
    La dépouille sera enlevée, je fournirai un coffre de l'église.
    Il se tourna vers Simon le bedeau.
    —
    Ne vous faites pas de souci, répondit le bonhomme, la mine chafouine. Je m'en occupe dès que possible.
    Ils sortirent de la maison et regagnèrent la rue. Le jour avait perdu de son éclat. Kathryn nota que le ciel était plus sombre, la place du marché moins gaie et moins animée. Une femme passa près d'eux.
    Elle portait un poulet mort et se dirigeait vers le four banal du village.
    De l'autre côté de la rue, un mendiant, ivre comme une grive, agenouillé sur des planches, était appuyé contre un mur, à moitié endormi, bouche baveuse et nez morveux. La chaussée était rude, remplie de boue et d'ordures. Par-dessus son épaule, Kathryn jeta un coup d'œil aux vil ageois et trébucha. Colum la retint et lui sourit avec nonchalance. Elle sentit une colère soudaine l'envahir. Elle n'aurait pas dû être là ! Elle n'avait pas envie d'y être ! Elle devrait se trouver à Ottemelle Lane avec Thomasina à préparer du pain frais. Elle devrait vaquer dans son jardin de simples, Wulf sautillant dans l'herbe, ou encore dans son apothicairerie avec Agnes coupant et broyant différentes herbes. Elle regarda Saint-Swithun qui se dressait au bout de la rue avec son portail à quatre pignons et, à l'arrière-plan, son clocher et sa nef qui s'élançaient vers le ciel sombre ; la pierre jaunâtre de l'église et son toit d'ardoise rouge la faisaient ressembler à un bâtiment vu en rêve.
    —
    Il y a eu meurtre, n'est-ce pas ?
    Kathryn se retourna brusquement.
    Le prêcheur se tenait là. Il avait tout d'une corneille. Non, corrigea la jeune femme, plutôt d'un corbeau, traits aigus et yeux malins. Il la contemplait avec amusement. Sans la quitter du regard, il passa ses doigts crochus dans ses cheveux et sa barbe hirsutes comme pour se rendre présentable. Elle remarqua que son teint était hâlé par le soleil et que l'ourlet de sa bure noire était incrusté de fine poussière blanche. La façon dont il ne cessait de la dévisager lui déplut.
    —
    Etes-vous fatigué ? dit-elle en français. Vous êtes un étranger ici ?
    —
    En effet, Madame.
    L'homme ferma les yeux en constatant son erreur, puis les rouvrit et eut un large sourire. Il s'apprêtait à faire demi-tour quand Kathryn lui prit le bras. Il leva son gourdin mais l'abaissa lorsque Colum tira à moitié son épée.
    —
    Vous êtes observatrice, Madame.

    —
    Votre figure est tannée par le soleil, expliqua Kathryn, et j'ai vu du sel et des traces d'eau de mer sur votre habit. Alors, soit vous êtes écervelé et avez pataugé dans l'écume, soit vous étiez il y a peu à bord d'un navire fouetté par les embruns. Je vous ai posé une question en français : Etes-vous fatigué ? Etes-vous étranger ici ? Et vous avez

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