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Le temps des poisons

Le temps des poisons

Titel: Le temps des poisons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: C.L. Grace
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cour d'Elias. Le portail était verrouillé et recouvert des sceaux apposés par le sergent.
    Soufflant et haletant, ce dernier les rompit, souleva la barre et les conduisit dans la cour pavée, vaste espace au milieu duquel on avait creusé une fosse destinée à l'écoulement des ordures. L'endroit exhalait le crin brûlé, le charbon et les lourds effluves du crottin de cheval. L'atelier lui-même consistait en un grand appentis ouvert situé derrière la maison : enclumes, marteaux, tenailles et clous recourbés y étaient dispersés. La porte de la forge était ouverte, et des cendres grises avaient voltigé et s'étaient répandues sur une paire d'énormes soufflets. Aux poteaux étaient accrochés des licous et des colliers pour les chevaux. Kathryn, oublieuse de ses compagnons, examina la forge poussiéreuse. On aurait dit qu'elle symbolisait ces lieux déserts et hantés. Elle frissonna en se remémorant les mots du prêtre lors du mercredi des Cendres : « Souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras à la poussière. » Elle se sentait pleine de vie et comblée par l'amour qui existait entre Colum et elle : confiante, elle était en paix avec elle-même et ceux qui l'entouraient, pourtant cette cour vide était un puissant rappel de la précarité de la vie.

    — Kathryn ?
    Elle tapota le bras de son mari et se dirigea vers le tonneau brisé. Les douves étaient éparses et la cuve de cuivre qu'il avait contenue était renversée. S'emparant d'un bâton, elle la retourna et renifla le bord avec attention. Elle n'avait plus d'odeur. Elle soupira et entra dans la forge. Un pichet gisait près d'un tabouret. Elle le prit par l'anse et le huma aussi : une odeur désagréable de vieille graisse brûlée dans un poêlon la fit reculer. Elle jeta un coup d'œil derrière elle. Les autres, attroupés près du portail, bavardaient entre eux. Colum, las de leur compagnie, admirait un fer à cheval et en suivait la courbe du doigt.
    La cuve de cuivre luisait dans la faible lumière, fanal rappelant à la jeune femme les terribles actes commis en ces lieux. La veille au soir encore, cette même cuve était dans son tonneau près du portail, un grillage posé dessus pour filtrer crasse et poussière et ne collecter que l'eau de pluie la plus pure, aussi fraîche que si elle provenait d'une source. La porte était ouverte ; les gens allaient et venaient. Au crépuscule, l'assassin n'avait eu aucun mal à se faufiler céans et à verser la poudre empoisonnée dans le tonneau. Elle imaginait fort bien le maréchal-ferrant réclamant son pichet à grands cris : deux chopes, et son âme avait été précipitée dans les ténèbres.
    Kathryn embrassa derechef l'endroit du regard, reposa le pichet et s'approcha de la porte de derrière, scellée par des gouttes de cire blanche salie qui portaient le cachet du sergent. Elle rompit les sceaux et poussa l'huis. Dans la cuisine humide, froide et sombre, les volets de la fenêtre étaient tirés. Alors qu'elle les ouvrait, un bruit dans son dos la fit se retourner soudain. Elle retint son souffle. Deux rats gris qui farfouillaient dans les reliefs laissés sur la table détalèrent vers le bord ; l'un se dressa sur ses pattes postérieures et flaira l'air de son museau pointu. Kathryn saisit une coupe d'étain et la lança sur l'animal qui décampa. Elle entendit de violents grattements à la porte de la cuisine et se précipita pour l'ouvrir : un grand matou au pelage noir s'engouffra dans la pièce et se jeta dans la poursuite éperdue des rats, passant comme un éclair - véritable ombre de la mort - par l'huis entrouvert de la resserre. Du vacarme, un couinement aigu, et le chat revint en bondissant, un gros rat se balançant dans sa gueule. Le matou s'esquiva par la porte entrebâillée au moment précis où le sergent et les autres faisaient irruption. Walter était sur le point de protester, aussi la jeune femme pria-t-elle Colum de les reconduire tous dehors. L'Irlandais ferma la porte et Kathryn fit sans se presser le tour de la salle.
    Le morceau de bœuf abandonné sur la table avait été grignoté par les rats et des mouches bourdonnaient autour. Elle remarqua un candélabre d'argent à trois branches ainsi que de jolis plats et gobelets d'étain. Au sol gisait la coupe, encore chargée d'une désagréable odeur douce-amère, où avait bu Isabella. Kathryn examina le tonnelet de vin qui reposait, massif et sinistre, sur son tréteau de bois. Le fausset

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