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Le temps des poisons

Le temps des poisons

Titel: Le temps des poisons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: C.L. Grace
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Kingsmead pour reconnaître l'ouvrage d'un artisan de Tolède ou de Milan. Elle la rengaina et examina le ceinturon.
    Comment se faisait-il qu'Elias, un forgeron, détienne quelque chose de si précieux, propriété, en général, d'un chevalier ou de l'écuyer d'une maison seigneuriale ? Elle ramassa la ceinture et sa curiosité s'accrut. Elle portait une devise héraldique aux couleurs vives représentant un faucon d'or sur fond d'argent au-dessus d'une herse rouge traversée d'une barre noire de bâtardise. Kathryn reconnut les armes d'un chef lancastrien, le Bâtard de Faucomberg, qui avait tenté de défendre Londres contre Édouard d'York mais avait perdu et la cité et la vie.
    Elle fouilla dans le sac et y découvrit une chemise de bonne toile un peu déchirée et effilochée. Elias et sa femme n'avaient pas réussi à faire disparaître les taches de sang. Kathryn se remémora l'histoire que lui avait narrée Colum des fugitifs lancastriens taillés en pièces à Walmer. Ce ceinturon avait-il appartenu à l'un d'entre eux ? Elle remit les différents objets dans le sac, descendit l'escalier, prit le registre et rejoignit les autres qui l'attendaient, maussades, dans la cour pavée.

    Remarquant ce qu'elle tenait, Walter ouvrit la bouche pour protester puis changea d'avis, maugréa à haute voix et se détourna.
    — Qu'est-ce ? s'enquit Colum en s'approchant.
    La jeune femme se hissa sur la pointe des pieds et l'embrassa sur les lèvres.
    —
    Les fantômes se rassemblent, Colum, murmura-t-elle, le sang répandu crie vengeance ! Dieu commence à intervenir.

CHAPITRE IV
    « Ce monde n'est qu'un passage, plein de peines, et nous sommes des pèlerins qui vont et viennent. »
    Chaucer, « Le conte du Chevalier », Les Contes de Cantorbéry Kathryn mit le registre dans le sac qu'elle tendit à Murtagh.
    — Voulez-vous le garder un instant ? lui demanda-t-elle. J'aimerais vous dire un mot, déclara-t-elle à l'intention de la petite troupe qui se rassembla autour d'elle.
    Grand-mère Croul arriva de l'autre côté de la cour où elle se tenait seule. Kathryn scruta les visages de ses interlocuteurs : la vieille femme avec ses yeux intelligents, l'aimable père Clement, Amabilia, son sourire disparu, Roger le médecin, efflanqué et revêche, qui jouait avec l'anneau qu'il portait au doigt, Benedict et Ursula, côte à côte. Le tabellion était blême et avait les yeux larmoyants. Ursula avait quelque peu perdu de son arrogance : ce lieu de mort paraissait l'avoir vidée de son énergie. Walter le sergent - figure rubiconde et bulbeuse, petits yeux porcins, cheveux gras hérissés en pointes noires - continuait à se rengorger comme un coq. Toujours mortifié par la contestation de son autorité, il lançait des regards torves et flamboyants alentour et semblait réclamer de l'aide contre ces intrus.
    Il ne manquait que Simon le bedeau. Kathryn allait prendre la parole quand la cloche de l'église se mit à sonner.

    — Le sacristain a déposé les corps devant l'autel, dit le prêtre. Le temps du deuil a commencé.
    —
    Faut-il que nous restions céans, Maîtresse Swinbrooke ?
    questionna Amabilia.
    — J'aimerais vous rencontrer tous quelque part où le carillon assourdissant de cette cloche ne couvrira pas la conversation, répondit Kathryn.
    Elle haussa les épaules.
    —
    Peut-être n'est-ce ni le moment ni l'endroit.
    — Nous devrions apaiser notre faim, proposa Amabilia. J'ai préparé un ragoût que nous pourrions manger au réfectoire.
    Tous, y compris Kathryn, accueillirent ses paroles par des murmures approbateurs et ils quittèrent la cour. La rue était à nouveau animée : les pauvres s'assemblaient autour des étals improvisés et clinquants où on vendait des habits de seconde main. Plus loin, les bouchers récuraient leurs bancs, vidaient des seaux d'eau bouillante sur les planches de bois, enlevaient les déchets pendant que leurs aides tenaient à distance les chiens qui jappaient et les miséreux en haillons avides de rogatons gratuits. La rue se faisait plus étroite et le prêcheur, robe noire battant au vent, sortant comme un spectre d'une ruelle, leur coupa la route. Il ne prit même pas la peine de s'arrêter, de se retourner ou de leur adresser un signe de reconnaissance ; il poursuivit son chemin sans ralentir, un quignon de pain dans une main, un morceau de viande grillée dans l'autre. Kathryn le regarda disparaître dans l'ombre d'une venelle. Elle remarqua que son gourdin était

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