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Le temps des poisons

Le temps des poisons

Titel: Le temps des poisons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: C.L. Grace
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: le frère se dressait contre le frère, le père contre le fils. Des démons comme ces naufrageurs jouissaient de toute la liberté nécessaire pour agir à leur guise.
    —
    Quelques-uns d'entre eux se sont-ils échappés ?
    Le père Clement s'approcha de la jeune femme.
    —
    Elias trempait dans ces méfaits, comme d'autres d'ailleurs : Benedict le notaire, Roger le physicien, notre bedeau même. Sous le règne des naufrageurs, ces hommes et leurs femmes se sont beaucoup enrichis. Ils pouvaient s'offrir des produits de luxe, de bons vins, des habits, des meubles pour leur demeure. Les hors-la- loi constituaient une société secrète dont les membres se juraient fidélité. Autour d'eux gravitaient ceux qui, en échange d'or et d'argent, tournaient la tête au moment opportun.
    —
    Et Lord Henry ?
    —
    Oh, il est arrivé à Walmer comme la colère de Dieu ! Au début, nous ne savions même pas qu'il était là. Il s'était installé dans une ferme un peu plus loin à l'intérieur des terres. Une nuit, il a frappé. Les fanaux étaient allumés mais Lord Henry s'y était préparé - il y avait même une cogghe de guerre en mer - et il a ordonné aux shérifs de battre le rappel de leurs troupes. Toute la côte a été bouclée. Lord Henry s'est avancé. Les naufrageurs ont essayé de résister sur la plage. Quelques-uns ont été taillés en pièces, les autres jugés comme des traîtres capturés pendant une bataille. Lord Henry, usant de son épée comme d'une croix, a porté la sentence du haut de son cheval. Il les a maudits, les a déclarés coupables au nom du roi et a fait exécuter la condamnation sur-le-champ. Il en a pendu deux douzaines au grand gibet, les uns après les autres. On a enduit les corps de poix et on les a laissés là en guise d'avertissement. La semaine suivante il a pourchassé ceux qui restaient. Certains ont été tués, d'autres ont fui la contrée. Ils sont devenus des malandrins, des filous vivant dans la forêt. Aucun n'est revenu à Walmer, qui, depuis, vit en paix.
    — Mais les rancœurs doivent être vives, observa Kathryn.
    Le père Clement fit une grimace.
    — Je ne crois pas. Les naufrageurs étaient des hors- la-loi, haïs et redoutés par leur propre famille. Ce qu'ils faisaient était péché mortel et les condamnait à l'Enfer. Pensez-vous qu'il plaise à d'honnêtes fermiers, paysans et marchands de voir des corps ruisselant d'eau de mer, le visage blême, les yeux grands ouverts, ramenés de la côte pour être enterrés ici dans notre cimetière ? Non, pour beaucoup Lord Henry était un sauveur. C'est un bon seigneur, juste et charitable.
    Seuls ceux qui violaient la loi devaient avoir peur. Mais venez, je vais vous montrer quelque chose.
    Il prit un cierge sur l'autel de la Vierge et leur fit descendre l'escalier sombre. La crypte était glacée et silencieuse. Le prêtre usa du cierge pour allumer les torches enduites de poix fixées au mur, près du seuil, et une grande chandelle devant la statue de saint Swithun qui se dressait au fond. L'endroit n'était guère qu'une pièce carrée supportée par des colonnes. Au centre se trouvait un sarcophage en beau grès doré d'au moins cinq pieds de haut sur trois. La pierre, au dessus lisse et aux côtés nervurés, était taillée avec soin. Les murs de la crypte étaient recouverts de peintures des plus vives représentant des scènes de l'Ancien et du Nouveau Testament toutes en rapport avec la mer : Jonas recraché par la baleine, le Christ marchant sur les eaux, Pierre et les apôtres péchant. Sur le dernier tableau, on voyait des pécheurs réveillés après leur long sommeil au Purgatoire. Les vers inscrits au-dessus proclamaient : « Ce jour-là, la mer rendra ses morts. » En dépit de la faible lumière, Kathryn put constater que les fresques étaient récentes.
    — C'est Lord Henry qui l'a fait exécuter : un monument pour tous ceux qui ont péri en mer, chuchota le père Clement. Il a fait sculpter la statue de saint Swithun à Leominster. Je lui ai proposé de m'en charger mais il en avait vu une là-bas qui lui plaisait. En tout cas, dit-il en tapant du pied le dallage, c'est ici qu'il a voulu que repose Lady Mary : sous ce monument.
    Il leur fit faire le tour de la crypte et leur montra les pleureuses dans leurs niches qui flanquaient le tombeau, frappé, devant et derrière, aux armes de Lord Henry et de Lady Mary. Kathryn ne cacha pas son admiration devant les sculptures ; quelques-unes étaient

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