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Le temps des poisons

Le temps des poisons

Titel: Le temps des poisons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: C.L. Grace
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dépouille aurait pu être emportée Dieu seul sait jusqu'où.
    —
    Était-ce bien Lady Mary ?
    Le prêtre retira son bras et jeta à son interlocutrice un regard inquiet.
    —
    Elle avait, il est vrai, la figure très abîmée, mais c'était sa taille et sa teinte de cheveux. Je me souviens qu'Amabilia a fait allusion à une marque qu'elle avait déjà vue sur son bras, juste sous le coude. Lady Mary avait coutume d'apporter des fleurs pour l'autel. Elle n'aimait rien tant que de les disposer dans des paniers dans le chœur. Elle relevait souvent les manches de sa robe. C'est ainsi qu'Amabilia l'avait remarquée. Oh oui, c'était bien Lady Mary !
    —
    Son mariage était-il heureux ?
    Le père Clement se remit en marche en secouant la lête.
    —
    Vous posez des questions impertinentes, Maîtresse Swinbrooke.
    Je peux répondre à certaines, pas à d'autres. J'ai entendu la confession de notre châtelaine mais ne peux révéler ses secrets.

    —
    Je n'y comptais pas, mon père, et je vous prie d'accepter mes excuses si je vous ai offensé.
    —
    Il n'y a pas de mal.
    Il lui jeta un coup d'œil en coin et sourit.
    —
    Lady Mary appartenait à une famille riche et adorait Lord Henry.
    Je ne suis pas sûr qu'il l'aimait autant. Il a pu l'épouser pour sa fortune et son rang ou pour faire avancer ses intérêts à la Cour. Oh, il était plutôt prévenant et elle ne s'est pas une seule fois plainte de son manque de générosité, pourtant il manquait d'ardeur. Elle m'a confié un jour qu'il la traitait comme il le ferait de son cheval favori - avec attention, considération et gentillesse mais sans élan, sans flamme.
    —
    Croyez-vous qu'elle ait glissé ?
    —
    Est-ce que je pense qu'elle s'est suicidée ? Non, pas du tout. Elle était trop pieuse, trop attachée à la spiritualité et trop croyante.
    —
    Et le jeune écuyer de Lord Henry ? Vous devez vous en souvenir, mon père. William Marshall, un jouvenceau pimpant et intelligent.
    —
    Je m'en souviens, en effet, acquiesça le prêtre. Il accompagnait souvent Lady Mary ici en tant qu'escorte, protecteur ou gardien. Il arrive que chemins et grand-routes soient dangereux et il est notoire que les colporteurs ou chaudronniers s'en prennent à des passants vulnérables. Oui, William était instruit ; c'était un érudit qui parlait plusieurs langues, et il appréciait particulièrement la peinture. Il venait souvent céans pour me regarder sculpter.
    —
    Parlait-il parfois de Lord Henry ?
    —
    Jamais. Il lui appartenait corps et âme.

    — Lady Mary traitait-elle William avec une affection particulière ?
    — Oh, Maîtresse Swinbrooke, vous voyez le péché partout !
    commenta le prêtre en riant. Les rapports entre Lady Mary et William étaient ceux d'un écuyer avec sa châtelaine : courtois, parfaits, comme aurait dit Chaucer, dans tous les sens du mot. Je n'ai onc surpris de signe secret : coup d'œil, sourire, effleurement, regard.
    Non, William Marshall était l'homme de Lord Henry. Il n'évoquait jamais les affaires du manoir ni ce que Lord Henry et lui faisaient à la Cour ou à l'étranger.
    Le père Clement les entraîna dans le transept qui menait à la crypte.
    —
    Et les naufrageurs ? interrogea Kathryn.
    Le prêtre s'arrêta et glissa ses mains dans ses manches.
    —
    Oh, c'était une époque terrible ! Des hommes de Walmer et des fermes alentour, impitoyables, sans foi ni loi, avaient formé une bande redoutable. Sur les falaises, surtout par mauvais temps, ils allumaient des falots trompeurs qui attiraient les navires et les faisaient s'éventrer sur les rochers. Je ne voulais rien avoir à faire avec eux.
    J'ai refusé l'Eucharistie et l'absolution à l'oncle d'Adam l'apothicaire, un de leurs meneurs. En fait, un dimanche de Pentecôte, je les ai tous excommuniés par la cloche, le livre et la chandelle ; j'ai maudit leur nourriture, leur boisson, leur sommeil, jusqu'à leurs excréments !
    C'était des diables sortis de l'Enfer. Dans le cimetière, le carré des indigents doit contenir au moins trente ou quarante corps, de pauvres marins ou voyageurs rejetés sur les rochers. Je leur ai donné un enterrement décent. C'est moi qui ai demandé à Mgr l'archevêque Bourchier d'aborder ce sujet à la Cour. Bien sûr, il a fallu le trépas du frère aîné de Lord Henry pour que la vengeance royale se fasse sentir. Les temps étaient à l'anarchie ! York contre Lancastre, une famille contre une autre. Les paroles de l'Évangile se vérifiaient

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