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Le temps des poisons

Le temps des poisons

Titel: Le temps des poisons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: C.L. Grace
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réactions de ses compagnons furent éloquentes : ils ne désiraient pas aborder ce sujet. Le tabellion eut un sifflement désapprobateur ; Ursula claqua des doigts de contrariété et tourna le dos à la jeune femme.
    — Pourquoi vous intéressent-ils ? interrogea Amabilia.

    —
    Parce que, répondit Kathryn. Je m'intéresse à toutes les victimes de meurtre.
    —
    De meurtre ? s'insurgea Walter qui, réveillé, était assis les mains entre les jambes. De meurtre ? répéta- t-il avec une bruyante éructation.
    — Oui, Maître sergent. La loi définit le meurtre comme la mise à mort illégale d'autrui.
    — C'était des traîtres, rétorqua Walter en agitant des doigts menaçants.
    Kathryn remarqua qu'ils étaient souillés de peinture.
    — N'ont-ils pas offert de se rendre et n'ont-ils pas été tués ?
    —
    C'est ici, s'interposa en hâte le prêtre.
    Il les conduisit de l'autre côté du grand if vers trois monticules de terre. Une croix de bois était enfoncée dans le sol à la tête de chacun.
    — On les a enveloppés dans de vieux draps, murmura-t-il, nus et ensanglantés de la tête aux pieds. Ce rustaud de forgeron a dirigé l'inhumation.
    Il leva les yeux, les traits crispés.
    — Vous avez raison : nos mains sont souillées de leur sang.
    Benedict était sur le point de protester quand le prêtre tourna les talons en maugréant qu'il devait aller dire sa messe et, suivi de sa sœur, partit vers l'église.
    Kathryn prit congé des autres et, les laissant à leurs ragots, suivit le père Clement. Le transept baignait dans la lumière qui traversait les vitraux, belle et claire comme la grâce sanctifiante de Dieu. Devant le jubé, sur de hauts tréteaux, se dressait le cercueil de grand- mère Croul, drapé de noir et d'or et entouré de cierges pourpres dans des chandeliers sombres. Amabilia les alluma à l'aide d'un lumignon.
    Kathryn remonta la nef. La semelle dure de ses bottes résonnait comme un battement de tambour. La sœur du prêtre cessa de s'occuper des cierges et lui sourit. Dans la lumière chiche, elle avait l'air plus jeune et plus avenante.
    — Vous effrayez les ouailles. Nous n'aimons guère qu'on nous rappelle nos péchés, dit-elle.
    Kathryn regarda le cercueil. Au centre du drap se trouvait la croix franciscaine de Saint-Damien.
    — Tant d'offices funèbres, reprit Amabilia en allumant les derniers cierges, tant de morts, et voilà qu'à présent grand-mère Croul descend en terre, ou du moins ce qu'il reste d'elle.
    Kathryn tourna la tête vers le jubé et la grande croix pendue au-dessus du chœur. Le visage du Crucifié semblait courroucé. Dans le sanctuaire lui-même des chandelles brillaient. Le père Clement sortit de la sacristie et pénétra dans la chapelle installée dans le transept qui menait à l'autel de la Vierge. Il adressa un signe de tête à la jeune femme, fit une génuflexion et commença la messe.
    Kathryn et Amabilia s'agenouillèrent sur des coussins à l'entrée de la chapelle, de chaque côté du grand écran de bois qui délimitait l'autel et le petit espace devant lui. Au-dessus de l'autel un vitrail représentant saint Antoine de Padoue prêchant aux oiseaux rappelait que l'oratoire avait été fondé par un ami des franciscains. Kathryn, distraite par les trois tombes solitaires dans le coin des indigents et les corps qui se rigidifiaient dans le dépositoire, n'écoutait qu'à moitié l'office.
    Elle ne comprenait pas le trépas du bedeau. Comment avait-on pu l'occire avec tant de brutalité et de promptitude ? Pourtant, plus elle y pensait, ainsi qu'aux autres événements illogiques de Walmer, plus elle était certaine que la mort de ces trois étrangers y jouait un rôle.
    Le prêtre entonnait à présent l'hymne de Thomas de Celano1
    consacrée à la colère de Dieu, et le « fracas retentissant des trompettes ».
    Éclatant à travers les sépulcres de la terre, La trompette nous conduira devant le trône Quelle excuse, misérable, alléguer ? Quand les justes devront trembler ?
    « Oui, pensa Kathryn, que se passera-t-il au jour de colère, quand les cieux s'ouvriront et que les éléments fondront dans les flammes, que se passera-t-il à Walmer quand toutes les âmes des victimes réclameront justice ? » Elle eut l'esprit ailleurs pendant presque tout le service divin. Le prêtre avait quitté la chapelle quand Amabilia tapota l'épaule de sa compagne.
    —
    Vous semblez soucieuse.
    —
    Je ne cesse de penser à ces trois étrangers,

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