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Le temps des poisons

Le temps des poisons

Titel: Le temps des poisons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: C.L. Grace
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qu'il faisait fort attention à son vin. N'aurait-il pas été aussi méfiant dans sa propre chambre ?
    —
    Sauf s'il était troublé, chuchota-t-elle.
    Elle repensa à la soirée, la dernière fois qu'elle avait vu le prêcheur vivant. Un autre prédateur, un ancien soldat, habitué au danger comme un oiseau l'est au vol. Il était évident qu'il était sorti dans les ténèbres pour rencontrer quelqu'un. Sanglier ? Kathryn se souvint à quel point elle avait été inquiète. Un inconnu se promenait cette nuit-là, tapi dans l'ombre. Sanglier, de toute évidence, était un tueur, pourtant le prêcheur devait faire attention, être sur ses gardes. Si Sanglier l'avait rencontré, si une lutte s'était ensuivie, le Français aurait-il pu l'occire si aisément ? Et d'ailleurs, que faisait le prêcheur au sommet de la falaise ? Avait-il des renseignements à vendre ?
    —
    Kathryn !
    Elle sursauta.
    —
    Kathryn !
    Elle ne reconnaissait pas la voix. Un homme ? Une femme ? On l'appelait de l'église. Elle bondit. Le tabouret se renversa avec fracas.
    —
    Kathryn !
    La voix résonnait, désincarnée comme celle d'un esprit. Elle allait répondre, lorsqu'un profond malaise, un frisson glacé dans le dos, ses mains qui devenaient moites, l'en empêchèrent. Elle se savait en danger. Dans la piètre lumière, des ombres dansaient dans la crypte.
    Il lui fallait sortir de là ! C'était un piège ! Elle releva le bord de sa robe, monta l'escalier en courant, s'arrêta en haut puis se glissa dans l'église. Elle entendit le couinement d'une souris et son discret trottinement quand, sautant du haut de l'un des cierges pourpres qui entouraient le cercueil de grand-mère Croul, elle détala dans l'ombre.
    Kathryn se dissimula derrière un pilier, son cœur battant la chamade, l'estomac noué. Elle ne voyait personne. Si on la cherchait, pourquoi ne se montrait-on pas ?
    —
    Kathryn !
    Elle risqua un coup d'œil dans la nef et, rassemblant son courage, se précipita vers la porte des morts. La corde d'un arc vibra, une flèche vola au-dessus de sa tête et heurta avec un bruit sec une colonne.
    Kathryn atteignit la porte et manœuvra le loquet mais, à sa grande horreur, elle était fermée à clé. Bien sûr, on ne l'ouvrait que les jours d'enterrement. Elle évalua la longueur de la nef, au bout de laquelle le portail était ouvert. Protégée par le pilier du transept, elle se faufila dans l'ombre. Elle parvint à avancer un peu avant qu'une autre flèche s'écrase contre la maçonnerie derrière elle. Malgré sa panique, elle s'accroupit derrière la colonne.
    La porte des morts étant close, les seules autres issues étaient la sacristie ou la grande porte de l'église. Or, si elle sortait de l'ombre et renonçait à se dissimuler derrière les piliers, l'archer assassin frapperait derechef. Kathryn se souvint que Colum lui avait narré comment ses compagnons et lui étaient tombés dans une embuscade tendue par des archers lancastriens dans une forêt du Hainaut.
    — C'était la veille de la Fête-Dieu, avait-il précisé. Nous cherchions une taverne et nous nous étions égarés.
    Kathryn serra ses bras sur sa poitrine en tentant de se souvenir.
    —
    J'ai appris une chose, Kathryn, c'est que si un archer vous traque, il faut se cacher et le laisser venir à vous. Si vous courez, vous n'êtes qu'une bête sauvage de plus dans la forêt, une cible sur laquelle exercer son adresse.
    La jeune femme respira profondément et réprima son envie de s'enfuir. Un bruit se fit entendre à l'autre bout du transept. Elle jeta un coup d'œil de derrière la colonne, aperçut une silhouette accroupie et recula juste au moment où une flèche fendait l'air. Kathryn regarda autour d'elle : il n'y avait aucun refuge. Dans son escarcelle, elle ne portait qu'un petit couteau. Elle voulut s'humecter la bouche mais elle avait la gorge sèche. Elle hurla aussi fort qu'elle le put. Du bruit à nouveau - l'agresseur se déplaçait sur sa droite -, des flèches. Il lui faudrait bientôt passer au prochain pilier. Soudain, on secoua la porte des morts. Kathryn hurla derechef aussi fort que sa gorge asséchée le lui permettait. Du fond de l'autre bras du transept, l'archer lâcha encore un trait. Kathryn cria de nouveau mais le branlement à l'huis avait cessé. Elle s'agenouilla, hoquetant.
    —
    Que se passe-t-il ?
    Elle regarda par-delà la colonne. Amabilia était sur le seuil de la grande porte de l'église.
    —
    Que se passe-t-il ?

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