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Le temps des poisons

Le temps des poisons

Titel: Le temps des poisons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: C.L. Grace
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étrangers, ou d'autre chose ? Elle revit Lord Henry assis à sa table de travail, le visage plongé dans ses mains. Les empoisonnements avaient-ils un lien avec les crimes précédents des habitants de Walmer ? Les meurtres sauvages et sanglants des naufrageurs ?

CHAPITRE IX
    « Faire de nécessité vertu. »
    Chaucer, « Le conte du Chevalier », Les Contes de Cantorbéry Kathryn se mordilla les lèvres et se demanda si les fantômes de ces hommes assassinés hantaient le cimetière. Allait-elle être le bras vengeur de Dieu ? Mais combien de temps pourrait-elle rester à Walmer ? Elle regagna l'église et se promena quelques instants dans le transept en admirant les différentes fresques. Elle dut admettre que le sergent et son compagnon étaient doués pour représenter des scènes de la Bible, cruelles mais pleines de vie : le prophète Samuel venant oindre David, Abraham s'apprêtant à sacrifier Isaac, couteau dans une main, brandon dans l'autre. Elle déchiffra quelques vers menaçants sous l'une des peintures.
    Sauve-moi, ô Seigneur, des méchants. Protège-moi des violents !
    Jour après jour ils créent la dissension, leurs langues sont fourchues comme celle des serpents. Le venin de la vipère souille leurs lèvres.
    — C'est vrai, c'est vrai, murmura-t-elle.
    Amabilia entra dans l'église pour annoncer à la jeune femme que son frère et elle s'en allaient. Kathryn, l'esprit ailleurs, fit un signe de tête et, quelques minutes plus tard, elle entendit la charrette brinquebaler sur les pavés. Elle descendit l'escalier de la crypte. Le silence de mort qui y régnait la glaça comme si une horde de fantômes l'épiait dans les ténèbres. Une torche flamboyait ; une âcre odeur de poix et de résine flottait dans l'air. Deux lanternes encadraient le sarcophage de Lady Mary. Les outils et les éclats sur le sol étaient la preuve manifeste que le père Clement avait été occupé à ciseler la pierre calcaire d'un blanc pur. Elle fit lentement le tour de l'hypogée avant d'examiner les pleureuses sculptées dans des niches des deux côtés du tombeau. Elle remarqua avec amusement qu'un arbre était représenté sur chaque panneau et reconnut un robuste chêne, un saule à la ramure déployée, un grand bouleau élégant. Sous chacun il y avait une scène de la Bible : Marie et Joseph s'enfuyant en Égypte, la présentation du Christ au Temple. Bien que quelques personnages dussent encore être affinés et polis, l'adresse du prêtre était incontestable.
    Kathryn prit conscience du silence qui régnait dans l'église. Elle crut ouïr un bruit de pas mais, quand elle appela, nul ne répondit. Elle s'assit sur le tabouret dont se servait le prêtre pour sculpter et son regard tomba sur un morceau de parchemin. Elle le ramassa. C'était une lettre de Lord Henry donnant des instructions au père Clement au sujet du sarcophage. Elle la posa sur ses genoux et s'interrogea : que se passait-il au manoir ? Elle était à présent certaine que le seigneur avait fait venir les envoyés français en Angleterre afin de se venger de la mort de William Marshall. Était-ce donc lui l'assassin de Delacroix ?
    « Réfléchis, réfléchis », s'admonesta-t-elle. À force de fouiller sa mémoire, diverses images lui traversèrent l'esprit. Sanglier et Cavignac dans la grand-salle. Delacroix enfermé dans sa chambre.
    C'était un espion, rusé comme un goupil, qui, sans doute, ne se fiait à personne, pas même à ses compagnons. Dans son bagage, il y avait ce sachet de valériane, dont il mélangeait quelques grains à son vin chaque fois qu'il voulait se détendre ou dormir. Il se pouvait, se dit Kathryn, que d'une façon ou d'une autre l'assassin se soit glissé dans sa chambre avec un sachet semblable mais contenant du poison, l'ait échangé contre la valériane, puis échangé à nouveau. Elle pensa à Lord Henry, puis à Colum, et eut un grand sourire. La plupart du temps, l'Irlandais paraissait à moitié endormi.
    —
    Sauf la nuit, commenta-t-elle à voix haute, ses paroles résonnant dans la crypte.
    Si Colum, par exemple, avait un sachet de ce genre près de son gobelet de vin, Kathryn n'aurait aucun mal à lui en substituer un autre, mais Colum était confiant, surtout avec elle. Delacroix était différent.
    C'était un prédateur, toujours vigilant, toujours aux aguets, pour ne pas devenir la proie. Il devait être à l'affût : il se pouvait même qu'il ait haï ses deux compagnons. Kathryn savait déjà

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