Le Testament Des Templiers
suis plongé jusqu’au cou dans des modèles informatiques et des algorithmes. Je peux vous en dire plus sur la corrélation entre la localisation d’une grotte et le profil gauche des chevaux que n’importe quel homme sur la planète. Mais aujourd’hui ! Aujourd’hui, je me suis senti redevenu archéologue, ce qui est bien mais, en même temps, j’avais l’impression de ne plus rien savoir, et cela me perturbe.
– Il y a beaucoup de données innovantes ici, reconnut Luc. Vous ne serez pas le seul à devoir vous remettre en question. Tout le monde devra le faire. Prenez seulement la salle des Plantes. Si elle n’est pas aurignacienne, théorie à laquelle j’accepte que vous ne souscriviez pas, alors à quelle époque appartient-elle ?
– Oui, les plantes, c’est en effet quelque chose de totalement nouveau. Mais ce n’est pas tout. Tout ce qui sous-tend cet endroit commence à m’affecter. Les hommes-oiseaux en particulier. Celui avec les bisons, celui avec la végétation. Je les ai regardés, et sans cesse me revenait à l’esprit cette maudite notion de chaman. »
Il donna une tape sur le genou de Luc.
« Si jamais vous racontez ça à Lewis-Williams, je vous tue !
– Motus et bouche cousue. »
Pierre s’approcha d’eux.
« Vous avez un instant, Luc ? »
Les genoux d’Alon craquèrent lorsqu’il se leva. Il se mit sur la pointe des pieds, posa une main sur l’épaule de Luc pour retrouver son équilibre et lui chuchota quelques mots à l’oreille :
« Est-ce que vous me laisseriez retourner dans la grotte cette nuit, pendant quelques minutes ? J’ai besoin de m’y retrouver tout seul, avec juste une petite lumière, comme ils le faisaient.
– Je pense que nous devons respecter le protocole, Zvi. »
Alon acquiesça tristement et s’éloigna.
Luc se tourna vers Pierre.
« Qu’y a-t-il ?
– Deux habitants du village de Ruac sont là. Ils voudraient vous parler.
– Sont-ils armés de fourches ?
– Ils ont apporté un gâteau. »
Il les avait déjà vus. C’était le couple du café de Ruac.
« Je m’appelle Odile Bonnet, dit la femme, et voici mon frère Jacques. »
Odile vit que Luc les avait reconnus.
« Oui, notre père est le maire du village. Je crois qu’il a été désagréable avec vous, et alors… eh bien, voici un gâteau. »
Luc la remercia et les invita dans sa caravane pour prendre un cognac.
Odile Bonnet avait le sourire éblouissant et l’allure sensuelle d’une star du cinéma de l’âge d’or sur le déclin. Pas du tout son type, un peu grassouillette et trop paysanne, mais une femme tout à fait au goût d’Hugo. Malgré le froid, elle n’hésitait pas à exhiber ses jambes. Son frère, un balourd au visage fermé, ne semblait pas aussi ravi d’être là. Il restait silencieux, l’air énigmatique, ayant probablement été contraint de venir.
Elle sirota son cognac, pendant que son frère le buvait à grandes gorgées, comme une bière.
« Mon père n’est pas un homme moderne, expliqua-t-elle. Il préfère le bon vieux temps. Il n’aime ni les touristes ni les gens de l’extérieur, les Allemands et les Américains surtout. Il trouve que les grottes peintes, surtout Lascaux, ont bouleversé la région. Toutes ces voitures, ces boutiques de cartes postales, ces T-shirts, cela ne lui plaît pas. Vous voyez ce que je veux dire ?
– Bien sûr, dit Luc. Je comprends tout à fait sa position.
– Il reflète l’opinion de la grande majorité des habitants du village, raison pour laquelle il est maire depuis toujours. Mais moi – mon frère et moi – nous avons l’esprit plus ouvert. Nous sommes même passionnés par votre découverte. Une nouvelle grotte ! Juste sous notre nez ! Nous sommes probablement passés devant des dizaines de fois.
– Je peux vous organiser une visite, répondit Luc avec enthousiasme. Vous ne pouvez pas savoir combien j’aimerais avoir le soutien du village. C’est vrai que c’est un trésor national, mais c’est d’abord un trésor local. Un soutien local d’emblée pourrait contribuer à assurer l’avenir de la grotte de Ruac en tant qu’institution publique.
– Nous aimerions beaucoup la voir, n’est-ce pas, Jacques ? »
Le frère acquiesça machinalement.
« Nous aimerions aussi nous porter volontaires pour vous aider. Nous sommes prêts à tout : Jacques peut creuser et déplacer les choses – il est fort comme un bœuf. Moi je peux classer, je
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